Cameroun : Issa Tchiroma Bakary : « le temps du changement est venu », l'ancien ministre annonce sa candidature présidentielle après 33 ans d'alliance avec le parti au pouvoir
Issa Tchiroma Bakary (Ph)
L'ancien ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, figure emblématique du régime depuis 1992, rompt avec le système qu'il a longtemps servi pour briguer la magistrature suprême avec un programme de rupture radical.
Dans une « Lettre aux Camerounais » de 22 pages rendue publique mercredi 25 juin 2025, Issa Tchiroma Bakary a officialisé sa candidature à l'élection présidentielle d'octobre 2025, marquant une rupture spectaculaire avec le régime qu'il a fidèlement servi pendant plus de trois décennies.
Tournant historique pour un pilier du système
À 77 ans, celui qui fut successivement ministre des Transports (1992-1996), de la Communication (2009-2019) et de l'Emploi depuis 2019, opère un virage à 180 degrés en devenant le premier opposant de poids issu des rangs du pouvoir. Président du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC), parti allié du RDPC comptant 3 élus et 197 conseillers municipaux et régionaux, Tchiroma Bakary incarne désormais la dissidence au sein même de l'appareil d'État.
« Il est temps de tourner la page d'un système figé », déclare-t-il dans sa lettre, qualifiant le modèle actuel de « bout de souffle » et appelant à une « transition républicaine exemplaire ». Cette prise de position marque une première dans l'histoire politique camerounaise contemporaine. Jamais, un ministre en exercice n'avait quitté le gouvernement pour défier frontalement le système depuis l'intérieur.
« Le peuple dit : Trop, c'est trop »
L'ancien ministre dresse un constat sans appel de la situation nationale. « Notre peuple est à bout. Il étouffe. Il souffre. Il attend. Il espère », écrit-il, évoquant un « régime à bout de souffle qui entraîne la Nation vers un effondrement aussi prévisible qu'inacceptable. »
Son diagnostic couvre tous les secteurs : insécurité grandissante avec les attaques de Boko Haram au Nord, crise anglophone persistante dans le Nord-Ouest et Sud-Ouest, violence urbaine croissante symbolisée par « l'affaire tragique du jeune Mathis récemment tué à Yaoundé », chômage massif des jeunes, pauvreté rurale, et délitement du lien entre l'État et les citoyens.
Tchiroma Bakary propose une refondation complète du système politique et économique camerounais articulée autour de seize axes majeurs :
Réforme institutionnelle profonde : Il prône l'avènement d'un « nouveau fédéralisme choisi par le peuple souverain » via un référendum, promettant de « rapprocher l'État du citoyen » et de tourner la page de la « centralisation qui a échoué. »
Jeunesse au cœur du projet : Création d'un Fonds National d'Initiative Jeunesse pour financer les startups, l'intelligence artificielle, l'agriculture connectée et les industries créatives. Organisation d'États généraux de l'Éducation pour refonder le système éducatif.
Justice sociale et lutte contre la corruption : « Ceux qui trahissent la République — corrompus, prédateurs, profiteurs — seront écartés et sanctionnés », promet-il, annonçant un audit de la grille salariale publique et la revalorisation des salaires dans les secteurs essentiels.
Sécurité renforcée : Face aux « défis sécuritaires graves, durables et multiformes », il propose une nouvelle doctrine basée sur « une armée professionnelle, une justice qui fonctionne, et une République debout. »
Révolution agricole : Lancement d'un Plan Agricole National avec modernisation des outils, accès universel à l'irrigation, et création d'un Fonds de soutien aux exploitations familiales pour atteindre l'autosuffisance alimentaire.
Émancipation des femmes : Programme national de soutien aux mères seules, veuves et femmes rurales, avec appui financier, formations professionnelles et accès facilité aux soins et au crédit.
Diplomatie de souveraineté
Sur le plan international, l'ancien ministre de la Communication dessine les contours d'une « diplomatie au service du Cameroun » fondée sur trois piliers : « souveraineté assumée », « dialogue permanent » et « progrès partagé ». Il promet de « parler avec le monde, sans arrogance mais sans soumission » et d'ouvrir un dialogue sur la reconnaissance de la binationalité pour la diaspora.
Conscient que « cette bataille ne sera pas gagnée par un seul homme, ni par un seul parti », Tchiroma Bakary lance un appel à toutes les forces vives : « jeunes, femmes, hommes, ouvriers, paysans, enseignants, entrepreneurs, cadres, artistes, chefs religieux, Camerounais de la diaspora. »
Il tend particulièrement la main aux anglophones du Nord-Ouest et Sud-Ouest : « Ils n'ont pas besoin qu'on parle à leur place, mais qu'on les écoute. Ils doivent sentir, dans les faits, que la République est aussi leur maison. »
Cette candidature bouleverse l'échiquier politique camerounais à moins de quatre mois du scrutin présidentiel. Fort de son expérience gouvernementale de 33 ans et de sa connaissance intime des rouages du pouvoir, Tchiroma Bakary représente le défi le plus sérieux jamais lancé au système depuis l'intérieur.
Sa légitimité d'ancien fidèle du régime, couplée à son ancrage nordiste et à son réseau politique établi, pourrait séduire une partie de l'électorat traditionnellement acquis au pouvoir, tout en attirant les partisans du changement.
« Le temps de l'attente est révolu. Engageons-nous. Levons-nous », conclut-il dans sa lettre-programme, reprenant en leitmotiv son slogan de campagne : « Le pouvoir au peuple ! »
Reste à savoir si cet appel au sursaut trouvera un écho suffisant pour transformer l'essai électoral en octobre prochain. Une chose est certaine : le paysage politique camerounais vient de basculer avec cette candidature qui pourrait redéfinir les équilibres pour les années à venir.
-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.
-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-oucameroun@koaci.com
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Quelle changement, Issa Bakary peut-il faire au Cameroun á 77 ans ???>>> Tu seras d'ailleurs court-circuité par "le ROI-immortel Biya" avant les élections-de-Biya
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