Cameroun : Bamiphobie, Achille Mbembe brise le tabou du tribalisme camerounais, Sosthène Fouda réplique
Achille Mbembe (Ph)
Dans un entretien qui fait grand bruit, l'historien Achille Mbembe a levé le voile sur l'un des non-dits les plus pesants de la politique camerounaise : la « bamiphobie ». Pour lui, il s’agit d’une peur irrationnelle et haine quasi-atavique envers les Bamilékés qui gangrène le paysage politique national.
L'universitaire de renommée internationale n'y va pas par quatre chemins. Analysant la faiblesse chronique de l'opposition camerounaise et son incapacité à s'unir en vue de l'élection présidentielle, Mbembe pointe du doigt un mal profond : « Aujourd'hui, la phobie des Bamilékés, il faut bien le nommer, la peur irrationnelle, la haine presque atavique d'une composante importante de ce qui, il faut le regretter, n'est pas une communauté politique. »
Selon l’historien cette haine, loin d'être un phénomène récent, puise ses racines dans l'histoire moderne du Cameroun. Selon Mbembe, les « forces hégémoniques » ont toujours œuvré pour empêcher la constitution d'une force politique alternative capable de « transcender les identités primitives ou primaires ». L'exclusion de Maurice Kamto du processus électoral par le Conseil constitutionnel constitue, à ses yeux, « un aboutissement provisoire de cette espèce de lutte, de cette espèce de rouleau totalement irrationnel ».
Système de domination
L'historien va plus loin dans son analyse en décryptant les mécanismes de cette domination, « les systèmes de domination reposent sur l'action des dominants mais aussi la complicité des dominés. » Cette bamiphobie serait ainsi « cultivée » par le pouvoir, s'appuyant sur des fractures historiques instrumentalisées à des fins politiques.
Face à cette situation, Mbembe n'hésite pas à qualifier le Cameroun de « pays anormal » où « la force tient lieu de parole ». Il appelle solennellement à la libération des nombreux prisonniers politiques, considérant cela comme un préalable à toute libération du pays.
Réplique
Cette prise de parole n'est pas restée sans réponse. Vincent Sosthène Fouda, homme politique et universitaire, tout en reconnaissant la justesse du diagnostic de Mbembe sur « le mal politique camerounais », propose une approche différente.
« Je comprends l'émotion que suscite la prise de parole d'Achille Mbembe, lorsqu'il nomme enfin ce que beaucoup taisent », concède-t-il, avant de préciser sa propre démarche, « Mon ancrage n'est pas celui du récit historique, mais de l'action politique. »
Fouda revendique une approche « systémique, pas communautariste », refusant de réduire la crise camerounaise à une seule grille identitaire. Pour lui, le mal est plus profond : « une pauvreté organisée, une caporalisation des institutions, et une confiscation du pouvoir par une minorité qui instrumentalise les fractures historiques. »
-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.
-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-ou cameroun@koaci.com
Infos à la une
Communiqués
Côte d'Ivoire
Côte d'Ivoire
Côte d'Ivoire
