Cameroun : Comment Mouelle Kombi tente d'affaiblir Eto'o sans défier ouvertement la FIFA et la CAF
Un véritable bras de fer se joue entre le ministre des Sports et de l'Éducation Physique, Narcisse Mouelle Kombi, et la Fédération Camerounaise de Football (Fecafoot), dirigée par Samuel Eto'o.
À l'approche de l'Assemblée Générale élective prévue le 29 novembre 2025 à Mbankomo, - une commune du département de la Mefou-et-Akono, région du Centre-, les manœuvres du ministre semblent indiquer une volonté de reprendre les rênes du sport roi, tout en évitant des sanctions directes des instances internationales.
Dans un communiqué daté du 18 novembre 2025, la Fecafoot a révélé que des émissaires spéciaux de la FIFA et de la CAF seraient présents pour superviser le scrutin.
Leur présence vise à assurer la transparence du processus électoral, surtout face aux allégations de manipulation politique. L'implication des instances internationales est un coup dur pour le gouvernement, soulignant la perte d'influence progressive de Yaoundé sur le football national. Cela transforme l'élection de Mbankomo en un affrontement qui dépasse largement le simple cadre sportif.
Stratégie
Narcisse Mouelle Kombi a demandé au ministère de l'Administration territoriale (Minat, l'équivalent du ministère de l’intérieur) de bloquer l'Assemblée Générale de la Fecafoot.
Cette démarche est d'autant plus surprenante venant d'un ministre qui, lors de la crise à la Fédération de volleyball, avait ignoré l'interdiction d'un sous-préfet et avait accueilli l'AG élective dans ses propres locaux pour favoriser l'élection de Bello Bourdane. Le contraste est saisissant : hier, il contournait le Minat, aujourd'hui, il l'implique contre une élection qui ne lui convient pas.
Si le Minat venait à imposer cette interdiction, cela exposerait le Cameroun à des risques considérables. Les statuts de la FIFA, en particulier l'article 14, stipulent que les fédérations doivent gérer leurs affaires sans ingérence extérieure. Toute violation pourrait entraîner des sanctions contre le pays, y compris la suspension des activités.
Risques
Il est important de noter la suspension des équipes nationales, l'exclusion des clubs des compétitions continentales et le blocage de toutes les activités internationales. Le Kenya et le Zimbabwe, qui ont été suspendus en 2022, ont vu leurs équipes et clubs exclus des compétitions internationales. Plus récemment, la suspension du Congo pour ingérence a mis à l'arrêt toutes ses équipes. En sollicitant l'aide de son collègue Paul Atanga Nji, Mouelle Kombi met le Minat face à un choix délicat : intervenir et risquer d'exposer le football camerounais à une suspension aux conséquences désastreuses.
Pour éviter un affrontement direct avec la FIFA et la CAF, le gouvernement, par l'intermédiaire de Mouelle Kombi, semble avoir opté pour une stratégie de contournement. En effet, le 14 novembre 2025, le préfet du Mfoundi a annoncé la création du Collectif des Acteurs du Football (Cafoot), une association présentée comme un outil de promotion et de développement du football.
La mise en place de cet organe, qui intervient en pleine tension entre le ministère des Sports et la Fecafoot, ressemble davantage à une manœuvre politique. Avec des figures comme Essomba Many Achille ou le capitaine Feutcheu à sa tête, Cafoot envoie un message clair : l'État souhaite reprendre le contrôle à travers une structure parallèle. La clause interdisant les « activités syndicales » confirme cette volonté de contrôle strict.
Ainsi, Cafoot apparaît comme le bras civil du gouvernement, visant à vider la Fecafoot de sa substance et de son autorité, permettant de gérer ou de réorganiser le football en dehors du cadre statutaire sans provoquer ouvertement les instances internationales.
Précédent
Cette stratégie n'est pas une nouveauté pour Mouelle Kombi. En 2017, alors qu'il était ministre des Arts et de la Culture, il avait pris la décision de dissoudre la Socam, la CMC et la Socacim pour mettre en place la Sonacam, censée réorganiser la gestion des droits d'auteur. Depuis, le secteur culturel s'est enlisé dans des batailles judiciaires sans fin, laissant les artistes dans une grande confusion.
Tout comme la Sonacam, Cafoot émerge dans un contexte de crise sectorielle, soutenue par une autorité préfectorale qui agit comme le bras armé de l'exécutif. Dans les deux situations, l'État crée une structure parallèle pour « réorganiser » en dehors des cadres légitimes, dépossédant ainsi l'institution existante de son véritable pouvoir.
Dans le contexte socio-politique du Cameroun, il est difficile d'imaginer qu'un ministre puisse mener des actions d'une telle ampleur, avec un risque de suspension nationale, sans l'accord tacite ou l'approbation des plus hautes instances de l'État.
Cependant, la nature des risques encourus est tellement nuisible à l'image et aux intérêts du pays qu'elle soulève une question essentielle : le président Paul Biya, âgé de 92 ans et réélu pour un neuvième mandat, est-il pleinement conscient des conséquences potentiellement désastreuses de la démarche de son ministre vis-à-vis des statuts de la FIFA ? Est-ce une manœuvre tolérée pour affaiblir Eto'o et reprendre le contrôle, même si cela signifie naviguer dangereusement à la limite des règles internationales ?
Le fait de laisser ces manœuvres se poursuivre pourrait indiquer soit une délégation totale de pouvoir, soit une tentative de mettre la pression sur l'exécutif de la Fecafoot. Ce bras de fer, qui dépasse largement le domaine sportif, est devenu un véritable affrontement de pouvoir où Mbankomo se positionne comme le centre d'une lutte politique touchant à la gouvernance et aux relations entre l'État et les instances internationales du sport.
-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.
-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-ou cameroun@koaci.com
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