Crise chefferie à Thomasset (Ph Koaci)

À quelques kilomètres d’Abidjan, la localité de Thomasset est secouée par une crise de gouvernance traditionnelle qui menace la cohésion sociale et l’équilibre coutumier du village. Depuis plusieurs mois, un profond désaccord divise la communauté autour du maintien au pouvoir du chef en exercice, Seri Korahi Bertin, contesté par une partie influente de la population.

Cette contestation, qui prend de plus en plus d’ampleur, s’est cristallisée autour de la volonté de changement exprimée par de nombreux habitants, notamment les jeunes et les membres du comité des sages. Le 30 mai dernier, un rassemblement organisé dans le village a rassemblé les voix discordantes, avec un message clair : tourner la page d’une chefferie installée depuis 1997 et amorcer une nouvelle ère de gestion coutumière.

Parmi les griefs formulés contre le chef Seri Korahi Bertin, figure en bonne place la question foncière. Les habitants dénoncent l’introduction d’un nouveau plan de lotissement qui porterait à plus de 400 le nombre de lots, contre 199 initialement prévus, sans consultation préalable. Une initiative jugée opaque et source de confusion, d’autant que l’ancien plan avait permis des avancées concrètes, comme l’électrification du village. Désormais, aucune démarche d’ACD ne peut aboutir, déplorent les habitants, qui s’interrogent sur la légitimité et la finalité de ce changement.

Au cœur du débat, se pose également la question de la présence du chef. Depuis 2011, Seri Korahi Bertin résiderait à Abobo Akéïkoi, loin des réalités quotidiennes de Thomasset. Pour les contestataires, cela constitue une rupture du lien de proximité indispensable à l’exercice de son autorité traditionnelle. Un autre argument de poids réside dans la longévité de son règne : plus de 27 ans de pouvoir, quand les recommandations du collectif des chefs d’Anyama suggèrent une limite de 15 ans.

En 2022, des courriers ont été adressés à plusieurs autorités administratives, y compris au Médiateur de la République, sans suite concrète. En 2024, une pétition signée par plus de 500 personnes a renforcé l’appel à la relève. Face à l’impasse, un nouveau chef aurait même été désigné par le comité des sages, un acte symbolique qui accentue le clivage.

Derrière ce conflit d’apparence coutumière, c’est en réalité une crise plus profonde qui se dessine : celle de l’adaptation des structures traditionnelles à une société en mutation. Les jeunes, de plus en plus actifs, revendiquent une place dans les processus de décision et une gouvernance fondée sur la transparence, tandis que les anciens défendent des équilibres hérités du passé. Entre aspirations modernes et traditions enracinées, Thomasset semble aujourd’hui à la croisée des chemins.

Dans ce climat tendu, des voix appellent au dialogue et à la médiation, espérant une issue pacifique à une situation qui menace l’unité du village. Contacté par téléphone, le chef Seri Korahi Bertin a refusé de commenter les événements, invoquant la nécessité d’obtenir l’aval du sous-préfet d’Anyama. En attendant une solution durable, le village vit au rythme des tensions et des incertitudes, dans l’attente d’un futur encore incertain.

Jean Chresus, Abidjan