Côte d'Ivoire : Système de santé, le tome 2 de la pharmacopée traditionnelle dévoilé, une avancée majeure dans le renforcement du dispositif médical
C’est dans l’enceinte de la faculté de médecine de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody que la médecine traditionnelle ivoirienne a entamé un autre départ.
En effet, l’Association nationale des praticiens de la médecine traditionnelle, en collaboration avec le Programme national de la médecine traditionnelle, a officiellement présenté ce mardi 17 Juin 2025 le tome 2 de la monographie des plantes médicinales sélectionnées. Une œuvre collective monumentale, fruit de cinq années de travail méticuleux.
Devant un nombre impressionnant d’universitaires, de chercheurs, de praticiens et d’étudiants, le docteur Kroa Eoulé, directeur coordonnateur du programme national, a tenu à souligner l’importance historique de cette publication. « Cette cérémonie marque un jalon important dans l’histoire de la médecine traditionnelle de Côte d’Ivoire, celle de la présentation officielle de la pharmacopée ivoirienne, tome 2 », a-t-il déclaré d’entrée.
Ce nouvel ouvrage, dense et rigoureux, avance-t-il, recense 83 plantes médicinales, détaillant pour chacune leur nom scientifique et traditionnel, leurs usages, leur toxicité, leur efficacité et la manière de les préparer. « C’est un document très riche. Nous avons fait un premier tome en 2018, composé de 52 monographies. Aujourd’hui, nous en avons 83. Ce document permet d’avoir des informations fiables sur les plantes médicinales », a poursuivi Kroa Eoulé, visiblement ému par l’aboutissement de ce travail.
Loin d’être une simple compilation botanique, cette pharmacopée est un outil stratégique pour la consolidation et la reconnaissance d’une médecine traditionnelle de plus en plus intégrée dans le système de santé. « Elle contribuera à sécuriser l’utilisation des plantes médicinales et à promouvoir une médecine traditionnelle ivoirienne de qualité, intégrée et valorisée », a-t-il insisté, avant de saluer l’implication des praticiens, chercheurs, étudiants et autres experts qui ont, parfois dans des conditions difficiles, apporté leur pierre à l’édifice. « L’absence de financement a poussé certains experts à nous abandonner en chemin », a-t-il indiqué, sans toutefois cacher sa fierté devant le résultat final.
Au-delà des données scientifiques, la force de cette pharmacopée réside aussi dans l’inclusion des savoirs populaires.
Pour Mamadou Ouattara, président de l’organisation nationale des associations des praticiens de la médecine traditionnelle des districts sanitaires, ce travail de mémoire et de reconnaissance est à saluer. « Par le passé, nos devanciers partaient avec leur savoir. Mais aujourd’hui, on amène les gens à documenter cela. Il y aura toujours une trace de ce que nous faisons, et c’est très important pour le devenir de la médecine traditionnelle », a-t-il affirmé avec conviction.
Pour lui, la parution de ce tome 2 symbolise un tournant important. Celui de la co-construction entre praticiens et scientifiques. « Avant, les chercheurs travaillaient pour la médecine traditionnelle sans nous. Mais ce sont les praticiens qui utilisent les plantes. Il fallait qu’on soit partie prenante. C’est pourquoi certains d’entre nous vont être honorés aujourd’hui pour leur contribution à cette œuvre », a-t-il ajouté.
Le document prend également en compte les différentes langues et appellations locales des plantes. « Ce n’est pas tout le monde qui connaît les noms scientifiques. Nous avons donc aussi notifié les noms traditionnels, ce qui rend le document accessible à tous », a souligné monsieur Ouattara. Une accessibilité essentielle dans un pays où plus de 1500 plantes aux vertus curatives ont été identifiées à ce jour.
Il est déjà en chantier, le tome 3 qui est en préparation. « Nous allons aller pas à pas. Ce travail demande beaucoup d’efforts. Mais nous avons l’ambition de dépasser les 200 monographies dans les prochaines éditions », confie le président des praticiens. Pour cela, il mise sur la poursuite du dialogue entre les différents acteurs que sont les praticiens, chercheurs, universitaires et autorités sanitaires.
Le message est donc clair. La médecine traditionnelle ne doit plus être reléguée aux marges du système de santé. « Nous sommes sous l’autorité des directeurs départementaux de santé. Nous faisons des propositions au ministère pour une meilleure prise en charge des populations grâce à nos savoirs », a conclu Mamadou Ouattara.
Avec ce tome 2 de la pharmacopée, la Côte d’Ivoire renforce donc son dispositif médical en integrant la médecine traditionnelle dans un cadre structuré, reconnu et valorisé. Et pour les praticiens comme pour les chercheurs, ce n’est qu’un début. Car derrière chaque feuille, chaque racine ou écorce, sommeillent encore des secrets que seule la patience et la collaboration permettront de révéler au monde.
Wassimagnon
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