

Côte d'Ivoire : CEC-MADGI, deux ans d'alerte syndicale face à un vide juridique
Les responsables syndicaux (Ph KOACI)
C’est un dossier qui embarrasse et interroge au sein même de l’administration fiscale ivoirienne. Depuis plusieurs années, une caisse d’épargne opérant au sein de la Direction Générale des Impôts (DGI) fonctionne dans une zone grise : la CEC-MADGI, Caisse d’Épargne et de Crédit affiliée à la Mutuelle des Agents de la DGI, n’a jamais reçu l’agrément légal exigé par les autorités compétentes pour exercer en tant que structure de microfinance. Une situation aussi paradoxale qu’illégale, surtout dans un pays où la lutte contre les flux financiers illicites est une priorité affichée.
Ce défaut d’autorisation, pourtant maintes fois dénoncé, persiste en dépit des multiples alertes lancées par les syndicats internes. Depuis deux ans, l’ANADGI et le SAGI multiplient les correspondances, les requêtes formelles et les plaidoyers internes. Mais leurs appels à la régularisation sont restés lettre morte. Le silence des décideurs et l’inaction de l’administration centrale ont laissé prospérer une structure qui, sans base légale, mobilise pourtant l’épargne de milliers d’agents.
Le climat s’est encore tendu récemment, lorsque le responsable de la CEC-MADGI, Kouadio Kacou Huberson, a été convoqué par la Direction de la Police Criminelle. Une procédure déclenchée à la suite de plaintes formulées par les syndicats, traduisant le passage de cette affaire du registre administratif à une potentielle dimension judiciaire. Ce développement inquiète davantage les agents, dont les dépôts pourraient, en cas de litige, se retrouver sans véritable protection juridique.
L’existence d’un service financier non régulé au sein même de l’une des principales institutions de collecte des recettes publiques suscite de nombreuses questions. Comment une telle situation a-t-elle pu s’installer durablement ? Qui a fermé les yeux ? Et surtout, pourquoi aucune mesure corrective n’a été prise malgré les signaux d’alerte ?
Dans un contexte régional où la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) durcit le ton sur la régulation des établissements financiers et où les partenaires internationaux évaluent rigoureusement les systèmes nationaux de lutte contre le blanchiment d’argent, cette affaire fait tâche. Elle expose la DGI, mais au-delà, tout l’État ivoirien, à un risque de discrédit institutionnel.
Face à cette situation, les autorités publiques — en particulier le Trésor, la BCEAO et le ministère de l’Économie et des Finances — sont désormais placées devant leurs responsabilités.
Car laisser prospérer une structure financière illégale dans les entrailles mêmes de l’État n’est pas seulement une anomalie réglementaire. C’est un signal dangereux, à l’heure où la transparence, la bonne gouvernance et la conformité sont scrutées à la loupe.
Jean Chresus, Abidjan

Infos à la une




Communiqués
Côte d'Ivoire

Côte d'Ivoire

Côte d'Ivoire
