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Cameroun : Le boom du cacao menace de faire du pays le prochain foyer mondial de déforestation
 

Cameroun : Le boom du cacao menace de faire du pays le prochain foyer mondial de déforestation

 
 
 
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© Koaci.com - mercredi 30 juillet 2025 - 07:19



Un nouveau rapport alarmant révèle que l'expansion de la culture du cacao au Cameroun pourrait reproduire les ravages environnementaux observés au Ghana et en Côte d'Ivoire, avec des conséquences dramatiques pour la biodiversité du pays.

Le Cameroun s'apprête-t-il à devenir le nouveau théâtre d'une catastrophe environnementale liée à la culture du cacao ? C'est ce que suggère un rapport accablant de l'organisation Mighty Earth, intitulé « Le Cameroun au bord du gouffre : La nouvelle frontière de la déforestation due au cacao ». Cette étude révèle que le pays est en passe de devenir le prochain épicentre de la déforestation liée à la culture du cacao, alors que la productivité décline au Ghana et en Côte d'Ivoire en raison du réchauffement climatique, des maladies des cultures et des pratiques agricoles obsolètes.


Déforestation record en 2024

Les chiffres sont alarmants. Le Cameroun, désormais cinquième producteur mondial de cacao, s'est fixé l'objectif ambitieux de tripler sa production d'ici 2030. Cette expansion exerce une pression croissante sur les forêts et les écosystèmes du pays, parmi les plus riches en biodiversité au monde. L'année 2024 a marqué un triste record avec le plus haut niveau de déforestation jamais observé au Cameroun. Depuis 2020, les alertes RADD ont enregistré 782 797 hectares de forêt perdus, soit 4,2 % du couvert forestier total du pays. Certains districts ont payé un prix particulièrement lourd : 43 % de leur couvert forestier a disparu depuis 2020.


La situation est particulièrement préoccupante près du district de Nkondjock, adjacent à la réserve faunique d'Ebo, où la recrudescence de la déforestation due au cacao menace l'habitat d'espèces emblématiques en danger d'extinction, comme les gorilles des plaines occidentales et les éléphants de forêt.


 

L'EUDR : une opportunité manquée ?

L'adoption en 2023 du Règlement européen sur la déforestation (EUDR) devait constituer un tournant. Cette législation, qui entrera en vigueur le 30 décembre 2025, exige des données géolocalisées au niveau des exploitations pour empêcher l'expansion du cacao dans les zones forestières. Un enjeu pour le Cameroun, puisque l'Union européenne représente son premier marché d'exportation avec 80 % du cacao du pays exporté vers l'UE lors de la saison 2023/24.


Pourtant, l'analyse révèle que les entreprises cacaoyères manquent encore de visibilité sur leurs chaînes d'approvisionnement au Cameroun et peinent à mettre en place les systèmes de traçabilité nécessaires.

« L'essor du cacao au Cameroun risque de faire du pays le prochain point chaud de la déforestation, notre analyse révélant une forte augmentation de la perte forestière l'année dernière, alors même que l'EUDR s'apprête à remodeler le marché mondial du cacao », alerte Thea Parson, responsable principale chez Mighty Earth et co-auteure du rapport. « Nous avons déjà vu les conséquences dévastatrices de l'expansion incontrôlée du cacao en Côte d'Ivoire et au Ghana : forêts détruites, pauvreté accrue des agriculteurs et disparition de la faune. »

Cercle vicieux de la pauvreté

Selon Fitch, la production de Cacao est annoncée à plus de 280 000 tonnes au Cameroun en 2025, dans un contexte de hausse des prix.

Malgré cela, la pauvreté des producteurs sévit. Malgré des prix à la production relativement plus élevés qu'au Ghana ou en Côte d'Ivoire, 69 % des ménages producteurs de cacao vivent sous le seuil de pauvreté. Cette situation s'explique en grande partie par la domination des « coxeurs », ces intermédiaires qui prélèvent des marges importantes, laissant les producteurs mal rémunérés et perpétuant une chaîne d'approvisionnement opaque.


« La déforestation liée au cacao est fondamentalement liée à la pauvreté – lorsque les agriculteurs ne peuvent pas vivre de leurs terres existantes, l'expansion vers les forêts devient une stratégie de survie », explique Amourlaye Touré, Conseiller principal pour l'Afrique chez Mighty Earth. « Avec la majorité des producteurs camerounais vivant sous le seuil de pauvreté, des incitations financières directes – comme de meilleurs prix pour le cacao sans déforestation ou une assistance technique pour augmenter les rendements – sont essentielles. »


Paradoxalement, les principaux acteurs de l'industrie ne manquent pas de bonnes intentions sur le papier. Au cours de la dernière décennie, les principaux négociants en cacao comme Cargill, Barry Callebaut et Olam, ainsi que les fabricants de chocolat tels que Hershey's, Godiva et Nestlé, se sont publiquement engagés à éliminer la déforestation de leurs chaînes d'approvisionnement, beaucoup d'ici 2025 ou avant. Malgré ces promesses et les efforts en cours pour construire un système national de traçabilité au Cameroun, la mise en œuvre sur le terrain reste très en deçà des engagements.

Les leçons du passé

Célestin Tina Biyo'o, Coordinateur national adjoint des programmes de CODED Cameroun, tire les enseignements de l'histoire : « Les échecs passés dans le secteur du bois doivent servir de leçon pour éviter qu'ils ne se répètent dans la filière cacaoyère camerounaise. En adaptant l'EUDR aux réalités locales et en renforçant les capacités des producteurs, il est possible de créer un cadre qui favorise à la fois la durabilité et la prospérité économique du secteur. »


L'exploitation forestière demeure d'ailleurs le principal moteur de la déforestation au Cameroun, les agriculteurs locaux y implantant ensuite des cultures de cacao une fois les terres défrichées.

Appel à l’action

Face à cette situation, Mighty Earth formule des recommandations précises. Aux entreprises, l'organisation demande d'enquêter et de révéler les risques de déforestation, de publier des cartes des exploitations et des données sur la chaîne d'approvisionnement, d'intégrer les coxeurs dans les systèmes de traçabilité et de garantir un salaire décent aux producteurs.


 

Au gouvernement camerounais, il est demandé de développer un système national de gestion du cacao, de publier les limites des exploitations agricoles cartographiées, d'encourager la culture du cacao sur les terres dégradées et de réglementer les coxeurs. À l'Union européenne enfin, Mighty Earth réclame un renforcement de l'assistance technique et financière pour la conformité à l'EUDR, ainsi qu'une surveillance et un respect renforcés de la réglementation.

Le temps presse. Sans action urgente et coordonnée, le Cameroun risque de reproduire les erreurs du passé et de voir ses précieuses forêts disparaître au profit d'une expansion cacaoyère incontrôlée. L'EUDR offre une dernière chance d'emprunter une voie différente, mais seulement si tous les acteurs agissent dès maintenant. L'avenir des forêts camerounaises et de leur biodiversité unique en dépend.


-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.

-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-oucameroun@koaci.com



 
 
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