L’eau, symbole de vie, est en train de se transformer en poison pour les populations ivoiriennes. C’est le cri d’alarme lancé ce lundi 15 septembre 2025 à Abidjan par le ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, Assahoré Konan Jacques, lors du lancement officiel de la campagne nationale de lutte contre la pollution des eaux, en présence des préfets de région.

À ses côtés, son collègue de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Bouaké Fofana, ainsi que le professeur Yao, venu présenter un diagnostic scientifique glaçant de l’état des ressources hydriques du pays.

D’emblée, le ministre Assahoré a rappelé l’immense patrimoine hydrique ivoirien : quatre grands fleuves, un littoral de 560 km et le plus vaste réseau lagunaire d’Afrique de l’Ouest. Mais ce trésor est aujourd’hui gravement menacé.

« La pollution de nos eaux est devenue une réalité dramatique. Elle ronge nos écosystèmes, menace notre santé et hypothèque l’avenir de nos enfants », a-t-il déploré, dénonçant le déversement massif de pesticides, plastiques et effluents industriels dans les cours d’eau.

Les chiffres cités par le ministre donnent froid dans le dos. 80 % des eaux de surface présentent des signes de pollution allant de modérée à sévère. 70 % des maladies hydriques recensées en zones rurales sont liées à une eau insalubre, 50 000 tonnes de plastique sont rejetées chaque année dans les lagunes du pays (source : Banque mondiale). Et près de 30 % des poissons lagunaires consommés contiennent des métaux lourds toxiques comme le mercure ou le plomb.

« Ce que tu jettes dans l’eau le matin, tu le bois le soir », a martelé le ministre. Ce slogan percutant résume l’urgence de la situation, et appelle le corps préfectoral à mener le combat sur le terrain.

De son côté, Bouaké Fofana a insisté sur la nécessité d’une action conjointe de tous les acteurs : « Nous avons pris les textes : le Code de l’environnement, le Code d’assainissement, le Code de la salubrité. Mais au-delà des lois, il faut sensibiliser nos compatriotes. Parce que les gestes que nous posons aujourd’hui coûtent très cher à la communauté nationale. »

Il a rappelé que la pollution des nappes phréatiques compromet directement l’accès à l’eau potable, exhortant chaque citoyen à prendre ses responsabilités : « Nous n’avons pas le droit de léguer cela à nos enfants. »

Intervenant en tant qu’expert, le professeur Yao a dressé un tableau encore plus alarmant. Selon lui, les sources de pollution sont multiples, domestiques, industrielles, agricoles, minières et maritimes.

Et les conséquences le sont tout autant, la propagation de maladies telles que le choléra et la typhoïde, la mortalité massive de poissons, la baisse de la productivité agricole et halieutique et l'explosion des coûts de traitement de l’eau potable.

Il a évoqué plusieurs cas concrets, notamment, la contamination de la rivière La Mé, ayant conduit à l’interruption de la production d’eau potable, la pollution du fleuve Bandama par le mercure issu de l’orpaillage illégal.

« L’eau potable est source de vie, mais l’eau polluée est source de mort », a-t-il lancé, appelant à une mobilisation nationale.

À travers le slogan « Ce que tu jettes dans l’eau le matin, tu le bois le soir », les autorités ivoiriennes souhaitent frapper fort pour sensibiliser la population et faire de la protection des ressources hydriques une priorité nationale.

Mais au-delà des discours, un défi majeur demeure : traduire cette alerte en actions concrètes, pour que l’eau, bien commun vital, demeure une source de vie, et non une bombe sanitaire à retardement.

Wassimagnon