Issa Tchiroma

Selon nos confrères de Jeune Afrique, Issa Tchiroma est réfugié à Yola au Nigeria depuis début novembre. L'ancien ministre devenu opposant s'est autoproclamé "président élu" et organise sa résistance depuis l'État nigérian de l'Adamawa, avec le soutien de notables et d'hommes d'affaires influents.

Trois semaines après avoir quitté le Cameroun dans des circonstances rocambolesques, Issa Tchiroma Bakary poursuit son combat politique depuis son refuge nigérian. Selon Jeune Afrique, l'homme qui conteste les résultats de la présidentielle du 12 octobre 2025 se trouve actuellement à Yola, capitale de l'État de l'Adamawa, d'où il continue d'appeler à la mobilisation contre le régime de Paul Biya.

Plusieurs tentatives d'arrestation évitées

Le parcours de l'opposant vers l'exil a été marqué par une série de péripéties. Selon Jeune Afrique, son épouse, Aminata Tchiroma Müller, avait d'abord trouvé refuge dans une résidence familiale du quartier Laïndé à Garoua, fief politique de l'ancien ministre. C'est une nièce qui assurait discrètement le ravitaillement et le transport de fonds.

Le 1er novembre, anticipant une intervention imminente, Mme Tchiroma Müller quitte Garoua pour le Nigeria, emportant un téléphone de son mari. Le lendemain, les services de renseignement camerounais font irruption dans la résidence, désormais vide. D'après le magazine panafricain, ce téléphone a été localisé par les autorités camerounaises qui ont alerté leurs homologues de la National Intelligence Agency (NIA) nigériane. Une opération conjointe est lancée le 2 novembre dans un hôtel de Yola, sans succès.

Jeune Afrique rapporte que l'opposant aurait bénéficié d'une exfiltration complexe de son domicile de Garoua début novembre, avec la complicité surprenante de certains éléments du renseignement camerounais et l'assistance de "volontaires" en provenance des États-Unis.

Dispositif de sécurité hétéroclite

Installé à Yola aux côtés de son épouse, Issa Tchiroma Bakary alterne entre prières à la mosquée privée de sa résidence, rencontres discrètes et communications téléphoniques prolongées, indique Jeune Afrique. Sa protection est assurée par un dispositif composite : d'anciens militaires camerounais ayant déserté et se réclamant de "l'armée loyaliste", des membres de l'organisation "Pouvoir au peuple" dirigée depuis la Côte d'Ivoire par Ahmed Ah, ainsi que plusieurs "comités de vigilance".

Selon les informations de Jeune Afrique citant des sources à la présidence camerounaise, une demande d'extradition avait été préparée contre l'opposant mais n'a jamais été transmise officiellement à Abuja. Cette absence de procédure formelle soulève des questions : le Cameroun craint-il un refus de la part des autorités nigérianes ?

Le magazine rapporte que les autorités nigérianes auraient demandé à Issa Tchiroma Bakary de modérer ses déclarations publiques. Cette pression explique la nomination de Me Alice Nkom comme porte-parole, permettant à l'opposant de limiter ses interventions à un cercle restreint de collaborateurs.

Réseau d'influence transfrontalier

L'exil de l'ancien ministre n'est pas synonyme d'isolement. Jeune Afrique souligne qu'en tant qu'autorité traditionnelle et membre influent du Tabital Pulaaku, organisation communautaire peule, il dispose d'un réseau familial étendu dans la région. Parmi ses soutiens de poids figurent Muhammad Sanusi II, ancien gouverneur de la Banque centrale du Nigeria et émir de Kano, Abubakar Ibn Umar Garbai El-Kanemi, émir de Bornou, ainsi que Muhammadu Barkindo Aliyu Mustapha, émir de Yola.

Le gouverneur de l'État de Borno, le professeur Babagana Umara Zulum, compte également parmi ses appuis, tout comme un cercle d'hommes d'affaires camerounais et nigérians, précise la publication.

Répression au Cameroun

Au Cameroun, la répression contre l'entourage de l'opposant s'est intensifiée depuis sa fuite. Jeune Afrique indique que plusieurs de ses proches, employés, ainsi qu'un neveu et une nièce de son épouse ont été arrêtés. Les services de renseignement camerounais s'intéressent particulièrement aux contacts d'Aminata Tchiroma Müller avec El Hadj Ba Iya, un homme d'affaires nigérian établi à Garoua, soupçonné d'avoir financé l'opposant.

Depuis son refuge nigérian, Issa Tchiroma Bakary continue de signer des décrets estampillés "président élu" et d'appeler à des villes mortes, maintenant ainsi la pression sur le régime de Yaoundé dans un bras de fer politique dont l'issue reste incertaine.

-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.

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