déguerpis de Yopougon Gesco (Ph KOACI)

Au cœur de Yopougon Gesco, un récit déchirant se dessine à travers les vies brisées des populations déguerpies. L'ombre des engins de démolition du District autonome d'Abidjan a laissé derrière elle non seulement des ruines matérielles, mais surtout une empreinte indélébile de désespoir au sein des populations.

Plusieurs habitations des quartiers Cinq Étoiles, Judé et Petit paris à la Gesco dans la commune populaire de Yopougon près de l'autoroute du Nord, ont été démolies au cours d’une opération de déguerpissement menée nuitamment le vendredi 26 janvier 2024 par le Ministre Gouverneur Cissé Bacongo. Mécontents les propriétaires des maisons, guides religieux et chefs de communautés n'ont pas hésité de montrer leur désarroi au cours d’une rencontre d’échanges avec Adama Bictogo, Maire de la commune de Yopougon ce lundi 29 janvier 2024 à l’EPP Gesco.

Après le passage des machines, une visite sur les sites déguerpis, comme sur place constaté par KOACI dans la soirée d'hier jeudi 1er février 2024, a permis de découvrir des populations dans la désolation.

Estelle Yao, résidante avec son époux et ses enfants depuis plusieurs années dans ce qui fut autrefois la cité "Jardin d'Éden", a partagé son amertume face à une réalité implacable. Sa maison, construite avec son mari, a été engloutie sans avertissement, laissant sa famille dans une situation de détresse qui semble insurmontable.

Les témoignages de la famille Alaba et Koné Soumahoro résonnent comme des cris silencieux, décrivant des moments où le démantèlement brutal a arraché non seulement des toits, mais aussi des souvenirs et des moyens de subsistance. Les salons de coiffure et les commerces, fruits d'années d'efforts, ont été balayés en un éclair, plongeant les propriétaires dans un abîme de désespoir économique.

La métamorphose forcée du sous-quartier Judée révèle des destins brisés, des vies jetées à la rue sans avertissement préalable.

Plusieurs jeunes n'ont pas hésité à exprimer leur désarroi face à une situation où les rêves sont pulvérisés sans pitié.

La résilience des femmes, devenues vendeuses de beignets sur les décombres, masque à peine la réalité d'un désespoir latent. Le manque de préavis et l'absence de dédommagement ont créé un sentiment d'abandon chez ces populations, confrontées à une incertitude quant à leur avenir.

Derrière chaque témoin, c'est un cri collectif de désespoir qui émerge. Les papiers d'avertissement, lorsque reçus, n'ont souvent offert qu'un bref sursis avant que le bulldozer de l'administration ne déferle, laissant les habitants dans une course effrénée pour sauver quelques biens essentiels.

Face à cette tragédie humaine, des entreprises de déblaiement entrent en scène, mais le nettoyage des décombres ne suffit pas à panser les plaies émotionnelles et financières des déguerpis. Le désespoir devient un jeu de cache-cache avec les forces de l'ordre, chaque matin apportant une nouvelle confrontation avec l'inconnu.

Le désespoir muet des déguerpis de Yopougon Gesco résonne dans ces rues dévastées, appelant à une attention urgente envers ces vies laissées en suspens. Au-delà des ruines physiques, c'est la reconstruction des vies et des rêves qui devrait être au cœur de toute tentative de redressement dans cette communauté désespérée.

Jean Chresus, Abidjan