Samuel Eto'o

Un peu plus d’une semaine après sa réélection à la tête de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), Samuel Eto'o s'est livré lundi soir lors d'une longue interview télévisée. Calme, posé et pédagogue, le président de la Fecafoot a abordé sans détour les sujets qui fâchent : sa gestion de l'instance, ses relations tumultueuses avec certaines figures du football camerounais, et sa vision pour l'avenir des Lions Indomptables.

 «Le sélectionneur doit avoir les mains libres »

Interrogé sur le choix de Pagou comme sélectionneur national, Samuel Eto'o a tenu à clarifier les choses face aux critiques récurrentes sur une supposée ingérence dans les choix sportifs. « Le sélectionneur Pagou a été élu meilleur entraîneur du Cameroun par ses pairs. Ce n'est pas moi qui le dis. Donc il était tout à fait naturel pour notre comité exécutif de lui accorder la possibilité d'être à l'équipe nationale », a-t-il expliqué.

Le président de la Fecafoot a également balayé d'un revers de main les accusations selon lesquelles le sélectionneur n'aurait pas son autonomie. « Pourquoi il n'aura pas les mains libres ? S'il n'est pas libre, il n'a pas son autorité dans le vestiaire. Le sélectionneur Pagou vit avec ce groupe depuis plusieurs mois. Donc il sait mieux que vous, que le président que je suis, ce qui est bon pour le groupe pour réussir », a martelé Eto'o, avant d'ajouter avec ironie : « Si vous me demandez de faire ma liste, je prendrai d'abord mes enfants. C'est logique. »

Retour de bâton sur Joseph Antoine Bell

Sans jamais le nommer expressément, Samuel Eto'o a répondu aux attaques répétées de Joseph Antoine Bell, l'ancien gardien des Lions qui a multiplié les sorties virulentes contre le président de la Fecafoot, allant jusqu'à le traiter de « bossu » qu'on ne peut pas redresser et d'incompétent.

Avec une certaine rudesse, Eto'o a dénoncé la méthode de son détracteur : celui-ci partirait d'informations délibérément biaisées pour arriver à des conclusions auxquelles il donnerait des allures brillantes. Mais, demeurant en réalité médiocre. En substance, Eto'o s'est présenté comme « un surdoué » du football, tandis que Bell aurait « souvent redoublé ses classes ». Une allusion à peine voilée aux échecs répétés de Bell à conquérir la présidence de la Fecafoot ou le Ballon d'or africain. « Je suis un agrégé en football », a lancé Eto'o, assumant pleinement ce qu'il considère comme « un juste retour de bâton ».

Rigobert Song 

Concernant Rigobert Song, le prédécesseur de Marc Brys au poste de sélectionneur des Lions Indomptables, Samuel Eto'o a déploré l'attitude du public camerounais. « Vous ne pouvez pas froisser un sélectionneur, peu importe si vous estimez qu'il soit médiocre ou non », a-t-il déclaré, appelant au respect de la fonction.

Eto’o revendique « Zéro mois de salaire impayé en quatre ans »

Répondant aux critiques sur sa gestion de la Fecafoot, le président a dressé un bilan qu'il juge flatteur. « Il y'en a des bac+50 qui ont géré l'administration de notre football avec huit mois d'arriérés de salaire, mais moi en quatre ans je n'ai jamais sauté un mois », a-t-il affirmé, avant de revendiquer sa légitimité : « Ce n'est pas une injure de dire que je n'ai pas fait de grandes études, j'ai fait l'étude du sport, je suis un agrégé du football. »

Eto'o a également évoqué ses ambitions infrastructurelles pour le football camerounais : « Redonnez au football camerounais toute sa grandeur, ce n'est pas seulement gagner dans les stades, parce que je sais que le Cameroun va gagner ! Mais c'est aussi avoir un siège digne de ce nom. Préparer les générations qui gagneront demain. »

Le « mensonge », d’André Onana 

Le président de la Fecafoot a également tenu à rétablir sa vérité concernant sa relation avec André Onana, l’ancien gardien de but de Manchester United. Réagissant aux déclarations d'un proche du joueur selon lesquelles la famille d'Onana aurait payé pour intégrer la fondation Eto'o, Samuel Eto'o a été catégorique : « Archifaux ! C'est un mensonge pur. Ils n'avaient même pas l'argent pour manger. Je ne l'ai pas fait parce que j'attendais une récompense après. J'ai voulu créer une chaîne d'hommes pour servir notre pays et il s'avère que l'un des meilleurs au monde vient de cette fondation : André Onana. »

L'ancien capitaine des Lions a également dénoncé les manipulations autour de la sélection d'Onana : « En 2017, ils ont dit qu'ils ne le convoquaient pas à cause de moi. En 2019, on l'oppose à son cousin Ondoa. »

Gilbert Kadji, « mon père, je ne peux pas l'oublier »

Avec émotion, Samuel Eto'o a rendu hommage à Gilbert Kadji, l'homme d'affaires qui a cru en lui à ses débuts. « Très souvent les gens disent qu'il [Samuel Eto'o] a fait ça à Gilbert, mon père. Vous m'avez déjà un jour entendu dire quelque chose sur Gilbert ? Jamais, je ne le ferai. Je ne peux pas oublier tout ce que Gilbert a fait pour moi. Quand personne ne croyait en moi, cette famille a cru en moi. »

Narcisse Mouelle Kombi, des divergences de droit, rien de personnel

Sur ses rapports tendus avec le ministre des Sports, le professeur Narcisse Mouelle Kombi, Samuel Eto'o a adopté un ton respectueux mais ferme. « Je n'aurai jamais de problème avec le ministre des Sports, mon aîné. C'est même un privilège de l'avoir comme patron direct. Je ne vois pas quel problème personnel pourrait exister entre mon aîné et moi », a-t-il déclaré.

Mais le président de la Fecafoot a immédiatement précisé la nature de leur opposition : « Nous avons une divergence d'opinion, de droit, et c'est la seule chose qui peut nous opposer. » Puis, citant le bilan des contentieux juridiques, il a ajouté : « Toutes nos décisions ont toujours été attaquées. Mais sur les 18 ou 19 décisions prises par notre comité exécutif, nous avons toujours eu gain de cause. Ce qui veut dire que, quelque part, nous sommes en conformité avec le droit. »

. « L'administration est écrite, et nous allons toujours écrire pour nous défendre », a-t-il conclu sur ce point.

Pour cette première intervention médiatique post-réélection, Samuel Eto'o a affiché une posture maîtrisée : calme, serein, légaliste et pédagogue. Loin de l'image parfois impulsive qu'on lui prête, le quadruple Ballon d'or africain a semblé déterminé à imposer sa vision du football camerounais, tout en réglant ses comptes avec ceux qui le critiquent.

Reste à savoir si ce discours d'apaisement suffira à éteindre les polémiques qui entourent sa présidence, ou si les tensions avec la tutelle et certaines figures historiques du football camerounais continueront d'alimenter les débats dans les mois à venir.

-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.

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