Cameroun : Classement RSF, le Cameroun une liberté médiatique en trompe-l'œil
Malgré l’un des paysages médiatiques les plus fournis d’Afrique – plus de 600 journaux, 200 radios et 60 chaînes de télévision – le Cameroun reste l’un des pays les plus dangereux du continent pour les journalistes. Entre pressions politiques, précarité économique et violences, exercer le journalisme relève d’un véritable parcours du combattant, révèle le classement annuel de Reporters sans frontières publié ce vendredi.
Légère remontée
Dans le 23e Classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF) en 2025, le Cameroun se place au 131e rang sur 180, avec un score global de 42,75, en baisse par rapport à 2024 où il occupait la 130e position, avec un score légèrement supérieur de 44,95.
Indicateurs
2024
2025
Indicateur politique
43,68 (107e)
41,11 (107e)
Indicateur économique
34,09 (144e)
32,84 (141e)
Indicateur législatif
52,71 (115e)
49,36 (121e)
Indicateur social
59,31 (99e)
57,39 (99e)
Indicateur sécuritaire
34,97 (153e)
33,04 (153e)
Malgré une stabilité apparente dans certains indicateurs, la situation globale reste alarmante, en particulier en matière de sécurité et de cadre économique pour les professionnels de l'information.
Liberté sous contrôle, information muselée
Selon Rsf, le paysage médiatique camerounais est dynamique, mais la liberté de ton y est gravement compromise. Les journaux privés emblématiques comme Le Messager, Le Jour ou La Nouvelle Expression, ainsi que les chaînes comme Equinoxe TV ou Balafon, tentent de préserver leur indépendance. Pourtant, face à la pression du pouvoir, nombre de médias se retrouvent contraints à l’autocensure.
Le président Paul Biya, en poste depuis plus de 40 ans, détient un contrôle total sur les organes de régulation et les médias publics. En octobre 2024, alors que des rumeurs circulaient sur sa santé, les autorités ont formellement interdit tout débat médiatique sur le sujet, illustrant une nouvelle fois la restriction de la liberté d’expression, à un an de la présidentielle prévue en 2025.
Cadre légal répressif
Bien que la liberté de la presse soit officiellement garantie par la loi depuis 1990, les textes sont régulièrement contournés. La dépénalisation des délits de presse n’est toujours pas d’actualité et l’accès à l'information comme la protection des sources restent théorique.
L’affaire d’Amadou Vamoulké, ex-directeur général de la CRTV, symbolise cette dérive : condamné à 32 ans de prison après 178 renvois d’audience, sur la base d'accusations contestées, son cas est devenu un record d’injustice à l’échelle mondiale.
Journalistes en survie économique
Toujours selon Rsf, la précarité est le quotidien de nombreux journalistes camerounais, surtout dans les médias privés. L’aide publique à la presse est conditionnée à une certaine complaisance envers le régime. De plus, des médias « fantômes » créés par des proches du pouvoir viennent affaiblir les titres critiques, à coups de dumping économique et de favoritisme.
La prolifération de médias à connotation ethnique ou religieuse polarise le débat public. Les pressions socioculturelles accentuent la censure, en particulier dans les régions à forte tradition conservatrice. Le conflit anglophone, qui oppose depuis 2017 les forces gouvernementales aux séparatistes, reste un sujet explosif. Les journalistes qui s’y intéressent s’exposent à des accusations de « sécession » ou de « complicité de bande armée ».
Menaces et violences, le prix du courage
Le danger est permanent pour les journalistes camerounais. En 2023, deux assassinats marquants ont bouleversé la profession : Martinez Zogo, enlevé et retrouvé mort après cinq jours, et Anye Nde Nsoh, tué à Bamenda en pleine zone de conflit. À ce jour, 4 journalistes sont détenus dans le pays (aucun depuis le 1er janvier 2025 n’a été tué).
L’impunité reste la norme. Bien que certains suspects aient été arrêtés dans l’affaire Zogo, l’enquête piétine. De nombreux journalistes connus sont surveillés, harcelés ou poursuivis.
Le Cameroun possède un potentiel médiatique impressionnant, mais celui-ci est étouffé par une combinaison toxique de pressions politiques, d'insécurité chronique, de précarité économique et de lois répressives. Tant que les journalistes seront contraints de choisir entre leur sécurité et la vérité, la liberté de la presse restera une illusion.
-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.
-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-ou cameroun@koaci.com
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