Les tensions agropastorales s'intensifient dans les régions anglophones camerounaises, déjà ravagées par une crise séparatiste persistante. Une nouvelle attaque transfrontalière vient d'aggraver une situation humanitaire déjà précaire.

Le 18 mars dernier, le village de Benabinge, situé dans la région du Nord-Ouest du Cameroun, a été le théâtre d'une agression particulièrement destructrice. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), des éleveurs en provenance du Nigeria ont mené une opération punitive contre cette localité frontalière, détruisant systématiquement terres cultivées et habitations. Ce raid a contraint environ 180 personnes à abandonner précipitamment leurs foyers, s'ajoutant au nombre déjà considérable de déplacés internes dans cette région instable.

Cette incursion révèle la dimension transfrontalière d'un conflit aux racines profondes. "La situation est exacerbée par les conflits entre agriculteurs et éleveurs dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi que par ceux opposant les communautés locales à des éleveurs majoritairement originaires du Nigeria", précise l'OCHA dans son rapport.

Insécurité chronique

Ce nouvel épisode violent s'inscrit dans une dynamique conflictuelle complexe qui perdure depuis plusieurs années. Les régions anglophones camerounaises, théâtres d'affrontements sanglants entre forces gouvernementales et milices séparatistes depuis 2017, voient désormais se superposer des tensions intercommunautaires grandissantes liées à l'accès aux ressources naturelles.

Le début de l'année 2024 avait déjà été marqué par des affrontements meurtriers avec des éleveurs transhumants nigérians dans l'arrondissement d'Akwaya, dans la région du Sud-Ouest, provoquant le déplacement forcé de plus de 3 500 personnes. L'instabilité chronique s'est encore manifestée le 11 mars, lorsque des combats entre groupes armés non étatiques et forces de sécurité ont poussé plus de 710 habitants du village d'Owe (Sud-Ouest) à chercher refuge dans la forêt environnante ou dans les localités voisines.

L'OCHA qualifie la situation de « préoccupante » et souligne la détérioration continue des conditions de vie des populations civiles prises en étau entre différents foyers de violence. Le conflit anglophone, qui perdure depuis maintenant huit ans, présente un bilan particulièrement lourd : environ 6 000 morts, plus de 330 000 déplacés internes et au moins 76 000 réfugiés camerounais contraints à l'exil au Nigeria.

-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.

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