Abidjan en mode prévention, ici dans un restaurant contraint aux plats à emporter ce samedi à Abidjan (ph KOACI)

Certains analystes prédisaient des milliers de cas d’infectés et des morts en cascade en Côte d’Ivoire à l’approche du 28 mars 2020. 17 jours après l’annonce du premier cas de Coronavirus au pays le 11 mars, alors que l’officialisation du traitement à la Chloroquine rassure et fait clairement baisser la tension depuis quelques jours, même si le strict respect des mesures préventives est primordial pour sortir au plus vite de cette affaire, le bilan de seulement 140 infectés sur près de 30 000 000 d’habitants, nous a fait réfléchir quant aux possibles raisons.

Éléments de réponse de l’analyste Laurent Despas.

Pays plus « isolé » que ceux à fort trafic aérien

Il y a parfois des avantages à être plus isolés que d’autres. D’une part la Côte d’Ivoire jouit d’un trafic aérien comparable à celui d’un aéroport d’une grande ville de province en France par exemple, vu que c’est le pays de référence comparative d’un grand nombre en Côte d’Ivoire. Une quinzaine de vols par jour dont la plupart régionaux, qui limite le risque d’entrée sur le sol d’une menace sanitaire ou autre, venue de l’au-delà des limites du continent africain ce qui prévaut pour le Coronavirus.

Quelqu’un qui voyage hors des limites du continent parait moins perméable à l’irresponsabilité

Ceux qui ont voyagé entre l’Europe, la Chine ou les USA et la Côte d’Ivoire depuis le 10 mars, sont, selon moi, à ranger dans la catégorie des conscients, capables de ramener à eux le risque infectieux et, de fait, d’agir consciemment dans leur quotidien. Ils étaient déjà, à mon appréciation, dans un esprit d’alerte. J’ai moi-même eu à constater l’attitude de certains d’entre eux, tout aussi prudents que sujets à la méfiance de leurs proches déjà gagné par un certain degré de psychose. L'avenir nous le dira mais j'ai l'intuition que cette donne pourrait avoir barrer la route du virus dans les quartiers populaires où vivent des millions d'habitants du pays.

Pays où on ne fait pas confiance, ou on n’a pas les moyens, pas le reflex de se rendre dans des centres de santé

Les habitants de Côte d’Ivoire ne sont pas du genre à se déplacer dans un centre de santé pour un petit bobo. Quand on sait que la transmission malgré-lui, du coronavirus par le corps médical a été déterminant au départ en Europe (fin février, ndlr), contrairement aux français, les ivoiriens ont peu confiance en leur système de santé et se soignent généralement par d’autres canaux de quoi limiter le risque nosocomial.

Pays à Pandémie qui réagit plus vite

Quand je quittais la France, pays non classé à pandémie contrairement à la Côte d’Ivoire, le 8 mars dernier, que le Coronavirus qui s’y développait n’y était pas encore à la une des esprits et des médias, même si on sentait quelque chose venir progressivement, mais pris pour un phénomène chinois dont on regardait de loin l’évolution, j’ai été frappé à mon arrivée à Abidjan d’être accueilli par des hommes en masques dès la sortie de l’avion. Encore plus frappé par ceux sur le cheminement vers le contrôle passeport qui me feront injonction de me laver les mains avant de prendre ma température, de quoi réveiller votre conscience. La Côte d’Ivoire, habituée à lutter contre les pandémies, à l’affut préventif, a, selon moi, vite réagit. J’avoue que, pour ce qui me concerne, au regard de l’absence totale de contrôle à l’embarquement à Roissy, la prise de conscience de l’ampleur de cette pandémie surviendra peu avant, quand, dans l’avion, on me tendait une fiche de renseignement du Ministère de la Santé ivoirien.

Perspectives à court terme

Avec l’officialisation progressive de traitement dont celui à Chloroquine, les hypyhèses liées au climat à cette heure non tranchées, et les mesures préventives à l’intensité d’action progressive qui donneront obligatoirement des résultats, si la prudence reste le principal mot d'ordre, je demeure optimiste, positif en espérant que les ivoiriens respecteront strictement les mesures de prévention au risque d'une aggravation à cette heure encore évitable, je l'espère.

Par ailleurs en bon situationniste réaliste, j’estime que l’opinion ivoirienne peut sortir plus forte de cette crise du Covid-19 par les enseignements qu’elle en tirera. Sa dimension d’obligation à la responsabilité, sa mesure de l’infox, du besoin hygiénique, et sa perception de l’intérêt général.

Propos recueillis par Amy Touré