Adjobi et Houphouët

 Le célèbre photographe du président Houphouët Boigny et de Fraternité Matin est décédé ce jour le dimanche 04 juin 2023 à Bonoua (Sud-Comoé) des suites d’une longue maladie, a-t-on appris auprès de ses proches.

« C’est avec une grande douleur que je vous annonce le décès de mon grand frère Jacob Adjobi ex-photographe du président Félix Houphouët-Boigny. Ex-chef de service photo à Fraternité Matin. Auteur du livre Houphouët dans mon objectif. Que dieu veille sur ton âme mon cher très grand-frère », a posté Anicet Adjobi.

Pour rappel, Jacob Adjobi n'a fait aucune école de photo, et pourtant pendant plus de trente ans, il a été le photographe attitré des Présidents Félix Houphouët-Boigny et Henri Konan Bédié. 

Celui qui affirmait avoir tout appris à Fraternité Matin aura assuré les fonctions de chef de service photo, de mai 1965 à février 1998. 

Analphabète comme il aimait à se qualifier, il ne demeure pas moins un génie en photographie qui aura affiné son art à force d'abnégation au travail et de courage. 

« Je suis devenu photographe parce que je voulais m'approcher d'Houphouët-Boigny. Et cela remonte en 58. Je suis né dans les années 40. Chez nous, à Bonoua précisément, quand vous êtes le premier fils de votre père vous n'avez aucune chance d'aller à l'école. En 1951, lorsque mon grand-père est décédé, je suis resté auprès de sa femme qui s'appelle Elisabeth Kokogny. En 58, j'ai appris que le général De Gaulle venait en Côte d'Ivoire. J'ai tout fait pour être parmi la délégation des danseurs qui devaient accueillir De Gaulle. Arrivé à l'aéroport, j'ai été écarté parce que je n'avais pas d'uniforme. Mais, je suis monté sur un mur pour voir De Gaulle descendre de l'avion. Lorsqu'il est descendu, j'ai vu un photographe s'approcher d'Houphouët-Boigny. Il s'appelait Kouassi Kouassi Robert. Je me suis dit si je devenais photographe, j'approcherais Houphouët un jour. Revenu à Bonoua, j'ai préparé mon voyage sur Abidjan pour apprendre la photographie pendant trois ans (de 58 à 61). J'ai pu économiser 35.000F. Je me suis donc rendu à Abidjan, chez mon oncle. Il y résidait depuis 1958. Je lui ait expliqué mon projet de devenir photographe pour rencontrer Houphouët. J'ai commencé mon apprentissage à "Abidjan Matin" par l'intermédiaire de Paul Kodjo. "Abidjan Matin" était à l'époque le seul quotidien en Côte d'Ivoire. Il appartenait à des français. C'est ainsi que j'ai appris à faire des reportages. Comme j'aimais bien le football, j'allais au stade pour prendre des photos que je revendais. J'ai pu m'acheter mon premier appareil photo à 80.000F. En 64, Diomandé Etouba m'a informé qu'il y avait un journal qui allait sortir. Ce sera un journal du PDCI qui va remplacer "Abidjan Matin". Il m'a conseillé d'aller me renseigner.

On m'a dit qu'effectivement il y aurait un nouveau journal sur le marché, mais que les techniciens ont été envoyés en France pour suivre une formation. On m'a demandé de revenir. En novembre, je suis revenu. On m'a alors demandé mes diplômes. Comme je n'avais même pas le CEPE, mon test a échoué. Mais Fologo, qui était le rédacteur en chef du journal, m'a tendu une perche que j'ai su saisir », confiait-il en 2009 à un confrère.

Le décès de Jacob Adjobi est autre histoire de la Côte d'Ivoire des proches du premier président de la République qui se tourne ainsi.

Donatien Kautcha, Abidjan