Une infrastructure de 620 mètres inaugurée ce 28 avril 2025, fruit d'une coopération exemplaire et symbole d'intégration régionale en Afrique Centrale.

Une page d'histoire s'est écrite ce lundi 28 avril 2025 dans la plaine du Logone. Sous les regards de plus de 10 000 personnes venues des deux côtés de la frontière, les Premiers ministres du Cameroun et du Tchad ont conjointement inauguré le pont reliant les villes de Yagoua et Bongor. Cet ouvrage d'art impressionnant de 620 mètres linéaires, véritable prouesse technique et diplomatique, constitue désormais la seconde voie de liaison terrestre avec le Tchad, pays enclavé dont le développement économique dépend fortement de ses connexions avec les pays voisins.

Cérémonie solennelle à la mesure de l'événement

La cérémonie d'inauguration a rassemblé une pléiade de personnalités des deux nations. Côté camerounais, Dr Joseph Dion Ngute, Premier Ministre et Chef du Gouvernement, était accompagné d'une imposante délégation ministérielle comprenant les titulaires des portefeuilles des Travaux publics, de l'Environnement et du Développement durable, de l'Économie et de l'Aménagement du Territoire, des Marchés publics, de la Santé publique et de l'Agriculture. Le Gouverneur de la région de l'Extrême-Nord ainsi que diverses autorités administratives, politiques, religieuses et traditionnelles étaient également présents.

La délégation tchadienne, conduite par le Premier Ministre Allamaye Halina, comptait plusieurs membres du gouvernement, dont le Ministre en charge des Infrastructures, ainsi que de nombreuses autorités administratives, politiques et traditionnelles du pays.

Collaboration internationale

La réalisation de cette infrastructure est le fruit d'une coopération exemplaire entre divers acteurs. Le Ministre camerounais des Travaux Publics, Emmanuel Nganou Djoumessi, maître d'ouvrage du projet, était entouré de nombreux membres des gouvernements des deux pays pour célébrer l'aboutissement de ce rêve vieux de plusieurs décennies.

Ce projet transfrontalier n'aurait pu voir le jour sans le soutien technique et financier de partenaires internationaux de premier plan. La Banque Africaine de Développement (BAD), principal bailleur de fonds, était représentée par Marie-Laure Akin-Olugbade, Vice-présidente principale, venue au nom du Président de la Banque, Dr Akinwumi A. Adésina. Dans son allocution, elle a décrit l'ouvrage comme « une infrastructure pour l'économie régionale » et « un pas de plus et de mieux, vers l'intégration régionale, la consolidation de la paix et la stabilisation de la région ».

L'Union Européenne, qui a également contribué au financement du projet, était représentée par M. Przemyslaw Bobak, Ambassadeur de la Délégation de l'UE au Tchad, ainsi que par des responsables de l'institution au Cameroun.

Sur le terrain, le groupement d'entreprises Razel Cameroun/Razel-Bec/Sotcocog a assuré la construction de l'ouvrage, tandis que le consortium Gaff GMBH&Co-Engeneering KG/Cira-Sas/Technoroute en a supervisé la réalisation. Cette collaboration entre entreprises locales et internationales s'est effectuée dans le strict respect des normes environnementales et sociales, avec une attention particulière portée aux impacts positifs pour les communautés riveraines.

Catalyseur de développement régional

« Le nouveau pont sur le Logone représente bien plus qu'une simple liaison routière », a souligné le Premier Ministre tchadien durant son allocution. Cette infrastructure stratégique s'affirme déjà comme un puissant levier de développement économique et social pour toute la région frontalière.

Le projet a déjà généré des retombées importantes avec la création de 500 emplois directs dans les deux pays pendant sa phase de construction. Mais c'est sur le long terme que ses effets se feront le plus sentir.

En désenclavant ces zones longtemps isolées, le pont permettra une fluidification sans précédent des échanges commerciaux entre le Cameroun et le Tchad, renforçant ainsi l'intégration économique au sein de la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC).

Pour les populations locales, qui devaient jusqu'alors se contenter de bacs précaires ou emprunter des détours longs et coûteux, cette infrastructure offre désormais une traversée sécurisée et rapide. Les producteurs et éleveurs des deux pays pourront écouler plus facilement leurs marchandises sur les marchés transfrontaliers, stimulant ainsi l'économie locale et les revenus des habitants.

Le maire de Yagoua a saisi l'occasion pour exprimer la gratitude des populations du département du Mayo Danay, tout en attirant l'attention sur des besoins supplémentaires en matière d'infrastructures routières dans la région. Ce nouvel ouvrage d'art, qui s'inscrit dans la politique camerounaise de densification des dessertes transfrontalières, transforme déjà le visage de la ville de Yagoua.

Certaines préoccupations ont été soulevées concernant l'aménagement des infrastructures socio-économiques connexes au projet. Le Coordonnateur de l'unité de gestion a toutefois rassuré l'assistance quant à la réalisation de ces infrastructures complémentaires, tant au Cameroun qu'au Tchad.

Engagement régional réaffirmé par la BAD

Cette inauguration a également été l'occasion pour la Banque Africaine de Développement (BAD) de réitérer sa volonté d'accompagner les initiatives de développement en Afrique centrale. L'institution panafricaine, qui a joué un rôle déterminant dans le financement et la réalisation de ce projet, poursuit ainsi sa mission de catalyseur du développement économique continental.

Depuis sa création, la BAD a approuvé dans la région Afrique Centrale pas moins de 606 opérations pour une valeur totale de 18 milliards de dollars. Ces investissements massifs ont eu « des impacts positifs dans plusieurs secteurs de développement de la vie socio-économique des pays bénéficiaires », comme l'a souligné Mme Akin-Olugbade lors de son allocution.

Symbole de fraternité entre les peuples

Au-delà des avantages économiques, cette amélioration de la connectivité devrait également contribuer à une meilleure coopération dans la lutte contre l'insécurité, enjeu majeur pour cette région.

Lors de son discours, le Premier ministre camerounais a insisté sur la dimension symbolique de l'ouvrage : « Ce pont est bien plus qu'une infrastructure, c'est un pont entre les peuples, un symbole de fraternité et de prospérité partagée ». Son homologue tchadien a abondé dans le même sens, saluant la détermination commune qui a permis de surmonter les nombreux défis techniques et logistiques rencontrés durant la réalisation du projet.

La cérémonie d'inauguration a également été marquée par de riches animations culturelles et des expositions mettant en valeur le patrimoine des régions frontalières, rappelant ainsi que les liens humains constituent le véritable fondement de cette coopération transfrontalière.

Nouvelle ère de coopération bilatérale

Avec cette réalisation emblématique, le Cameroun et le Tchad entrent dans une nouvelle phase de leur relation bilatérale. Le pont sur le Logone s'inscrit comme un exemple réussi de collaboration internationale et un catalyseur de croissance qui bénéficiera aux générations futures.

Cette infrastructure ne représente pas seulement un trait d'union physique entre deux territoires, mais aussi le symbole d'une vision partagée pour l'avenir de la sous-région. En facilitant les mouvements de personnes et de marchandises, ce pont ouvre la voie à une intégration plus profonde et plus concrète au sein de la CEMAC.

Le pont sur le Logone s'inscrit dans une vision plus large d'interconnexion des infrastructures africaines, essentielle pour concrétiser les ambitions d'intégration économique du continent. Ce projet illustre parfaitement comment la coopération entre États, soutenue par les institutions financières africaines, peut aboutir à des réalisations concrètes profitant directement aux populations.

Au-delà de sa fonction utilitaire, le pont sur le Logone restera gravé dans les mémoires comme une réalisation témoignant de la capacité des nations africaines à unir leurs forces pour relever les défis du développement et construire ensemble un avenir prospère.

-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.

-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-ou cameroun@koaci.com