Cameroun : Scandale foncier dans l'Extrême-Nord, Yaoundé stoppe l'attribution controversée de 75 hectares de l'Ordre de Malte
Eyebe Ayissi, ministre des Domaines du cadastre et des affaires foncières (Ph)
Le ministre Eyebe Ayissi met fin à une opération d'attribution de terres qui enflamme le Mayo-Tsanaga depuis des mois
Dans une correspondance officielle datée du 28 mai, Henri Eyebe Ayissi, ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf), a ordonné la suspension immédiate de l'attribution de 75 hectares de terres appartenant à l'Ordre de Malte dans le département du Mayo-Tsanaga.
Cette décision ministérielle, vise directement les agissements du préfet du Mayo-Tsanaga, Avom Dang, accusé d'avoir engagé sans autorisation le processus de lotissement d'une partie du vaste domaine de 100 hectares que l'organisation caritative catholique occupe depuis 1972 près de Ziling, aux environs de Mokolo.
Rétrocession conflictuelle
L'affaire prend ses racines dans l'histoire même de l'implantation de l'Ordre de Malte dans cette région sahélienne. Depuis plus de cinquante ans, cette organisation humanitaire internationale exploite un domaine rétrocédé par l'État camerounais, sur lequel elle a édifié des infrastructures sanitaires de premier plan, notamment le centre de santé Rohan-Chabot de Ziling. L'engagement de l'Ordre s'est même renforcé récemment avec l'ouverture, en juillet 2022, d'une nouvelle maternité capable de prendre en charge jusqu'à 800 accouchements annuels.
Mais c'est précisément cette terre, symbole de coopération internationale et de service aux populations les plus démunies, qui se trouve aujourd'hui au cœur d'une bataille administrative et sociale sans précédent.
Procédures bafouées, tensions exacerbées
Selon les informations des médias locaux, le préfet Avom Dang aurait initié unilatéralement le processus d'attribution des 75 hectares litigieux, sans respecter les procédures légales en vigueur. Cette démarche a immédiatement soulevé l'ire de l'administration douanière camerounaise, qui dénonce dans une note officielle un « non-respect des procédures » et exige la « régularisation du projet ».
Plus préoccupant encore, cette initiative préfectorale a provoqué de vives tensions au sein de la communauté locale. Les populations de Ziling et des environs, traditionnellement bénéficiaires des services de l'Ordre de Malte, ont multiplié les manifestations de mécontentement, craignant de voir disparaître des terres qui, selon elles, doivent continuer à servir l'intérêt général plutôt que des intérêts particuliers.
L'élite locale s'est également mobilisée contre ce qu'elle perçoit comme une dérive autoritaire du représentant de l'État, alimentant un climat de défiance qui dépasse largement le cadre de cette seule affaire foncière.
Intervention ministérielle salvatrice
Face à l'escalade, l'intervention du ministre Eyebe Ayissi apparaît comme un rappel à l'ordre nécessaire. En suspendant le processus d'attribution, le gouvernement marque sa volonté de préserver la légalité et d'éviter que cette affaire ne dégénère davantage. Les autorités ont également exigé la transmission du dossier complet du projet de lotissement pour en examiner la conformité avec la réglementation en vigueur, une procédure qui pourrait révéler d'autres irrégularités et éclairer définitivement cette affaire.
Pour l'Ordre de Malte, cette affaire constitue un test de sa capacité à préserver son action caritative face aux pressions administratives. Pour l'État camerounais, elle représente un défi de gouvernance : comment concilier développement local et respect des engagements internationaux, tout en maintenant la paix sociale dans une région particulièrement sensible ?
La suspension annoncée par le ministre Eyebe Ayissi offre un répit nécessaire, mais la résolution définitive de cette crise nécessitera un dialogue approfondi entre toutes les parties prenantes pour préserver à la fois l'intérêt général et la mission humanitaire de l'Ordre de Malte dans le Mayo-Tsanaga.
-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.
-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-oucameroun@koaci.com
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