Paul Biya et le général Dagvin Anderson, Commandant d’Africom (Ph)

À trois semaines de l'élection présidentielle du 12 octobre 2025, Paul Biya, candidat à un huitième mandat à 92 ans, multiplie les audiences au Palais d'Etoudi. Ces rencontres avec des personnalités internationales de premier plan ne relèvent pas du hasard : elles constituent un message soigneusement orchestré destiné à rassurer tant la communauté internationale que l'opinion publique camerounaise sur sa capacité à continuer à diriger le pays.

Mise en scène de la vitalité du président

Les audiences accordées par Paul Biya révèlent une stratégie de communication bien rodée. Ce 19 septembre, sa rencontre avec le général américain Dagvin Anderson, commandant d'Africom, s'inscrit dans cette logique. En recevant le plus haut responsable militaire américain pour l'Afrique, le président Biya démontre qu'il reste un interlocuteur incontournable sur les questions sécuritaires régionales.

Cette audience intervient dans un contexte particulièrement symbolique : elle a lieu un mois après la prise de fonction du général Anderson à la tête d'Africom le 15 août 2025. Ce qui suppose que le Cameroun est une priorité dans l'agenda du nouveau commandant américain.

Témoignage des diplomates, gage de crédibilité ?

Les déclarations des personnalités reçues constituent le véritable enjeu de ces audiences. Thierry Marchand, ambassadeur de France sortant, a livré un témoignage particulièrement éclairant après sa rencontre du 29 août avec le président Paul Biya : « J'ai retrouvé le président Paul Biya conscient et informé de la réalité des sujets ». Ces mots, prononcés par le représentant de la France - partenaire historique du Cameroun - résonnent comme une validation internationale de la capacité du président nonagénaire.

L'ambassadeur français va plus loin en précisant avoir retrouvé Paul Biya « exactement dans le même état d'esprit » qu'un an et demi auparavant, décrivant un homme qui est aux affaires et qui tient véritablement le manche du pays.

Cette déclaration a contribué à mettre fin aux interrogations sur l'état de santé et les capacités cognitives du président Paul Biya candidat à un huitième mandat.

L'Église comme caution morale

La réception de Mgr José Avelino Bettencourt, Nonce Apostolique, le 15 juillet 2025 - soit 72 heures après l'annonce de sa candidature - s'inscrit également dans une démarche différente mais complémentaire, dans un contexte où de nombreux évêques appellent au départ du président.

En recevant le représentant du Vatican si rapidement après sa déclaration de candidature, Paul Biya cherchait-il à obtenir une forme de bénédiction morale de l'Église catholique, institution respectée au Cameroun ?

La déclaration du Nonce – « Le Président Paul Biya va très bien, et il m'a très bien reçu » - bien que sobre, constitue un message rassurant sur l'état de santé du président, sujet de nombreuses spéculations.

Stratégie de légitimation internationale

Ces audiences révèlent une stratégie en plusieurs dimensions. D'abord, elles positionnent Paul Biya comme un leader toujours pertinent sur la scène internationale, capable de traiter des enjeux sécuritaires majeurs avec les États-Unis ou de maintenir les relations privilégiées avec la France ou le Vatican. Ensuite, elles génèrent des témoignages de première main sur ses capacités, neutralisant les critiques sur son âge. Enfin, elles démontrent que la communauté internationale continue de le considérer comme un interlocuteur légitime.

Au-delà de la dimension internationale, ces audiences s'adressent avant tout à l'électorat camerounais. En montrant un président recevant en l’espace de trois mois, les plus hautes autorités militaires américaines, les représentants de la France et du Vatican, Paul Biya projette l'image d'un homme d'État respecté, encore capable d'attirer l'attention des grandes puissances.

Cette stratégie répond aux interrogations légitimes sur la capacité d'un nonagénaire à assumer les fonctions présidentielles. Les témoignages recueillis constituent autant de cautions apportées par des observateurs neutres et crédibles.

À trois semaines du scrutin, Paul Biya semble avoir choisi de faire campagne par procuration, laissant les diplomates et dignitaires témoigner de sa vitalité plutôt que de multiplier les déplacements et meetings traditionnels.

Le timing de ces audiences n'est pas fortuit : elles s'inscrivent dans une séquence préélectorale soigneusement calibrée, où chaque rencontre apporte sa pierre à l'édifice de sa candidature. Paul Biya, en homme politique expérimenté, utilise les codes de la diplomatie pour servir ses ambitions électorales, transformant le Palais d'Etoudi en tribune de campagne implicite.

Cette stratégie pourrait aussi révéler que le président a conscience de ses limites physiques, mais aussi sa détermination à présenter une image de dirigeant toujours en contrôle, capable de rassurer les partenaires internationaux et, par ricochet, l'électorat camerounais sur sa capacité à diriger le pays pour un huitième mandat.

-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.

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