Cameroun : Réélection de Biya, silence embarrassant des grandes puissances Tchiroma compare avec la crise ivoirienne de 2010
Alors que le Conseil constitutionnel camerounais a proclamé la réélection de Paul Biya pour un huitième mandat, les principales puissances mondiales observent un silence qui contraste avec les félicitations habituellement adressées aux chefs d'État fraîchement réélus.
Trois jours après l'annonce officielle des résultats le 27 octobre 2025, ni les États-Unis, ni la Chine, ni l'Union européenne encore moins la Russie, n'ont félicité le président camerounais. La France, partenaire historique du Cameroun, s'est contentée d'une formule diplomatique minimaliste. « La France a pris note de la proclamation des résultats de l'élection présidentielle par le Conseil constitutionnel le 27 octobre 2025 », indique sobrement la déclaration du porte-parole du ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 29 octobre 2025. Aucun mot de félicitation, aucune expression de satisfaction. Une retenue qui en dit long sur l'embarras des chancelleries occidentales.
Cette absence de réaction des grands acteurs internationaux tranche avec l'empressement habituel qui suit généralement les scrutins présidentiels, même dans des contextes controversés. Le silence des capitales occidentales et asiatiques constitue un signal politique fort, suggérant des réserves profondes sur la régularité du processus électoral camerounais.
Cercle restreint de la CEMAC
Hors Cemac, le président djiboutien a été parmi les premiers à exprimer ses « chaleureuses félicitations » à son homologue camerounais.
À l'inverse, les félicitations sont venues rapidement des pays voisins membres de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC). Le Tchad, le Gabon, le Congo, la Guinée équatoriale et la République centrafricaine ont également salué sa réélection. Ces messages de soutien, prévisibles au sein de l'espace CEMAC où prévalent souvent des logiques de solidarité régionale, ne parviennent pas à masquer l'isolement diplomatique relatif dans lequel se trouve désormais Paul Biya.
Cette division géographique dans les réactions internationales dessine une cartographie claire : d'un côté, un soutien régional de principe, de l'autre, une prudence manifeste des puissances qui comptent sur l'échiquier mondial. Le contraste est d'autant plus frappant que certains de ces pays africains qui félicitent Biya sont eux-mêmes dirigés par des régimes aux pratiques démocratiques questionnées.
Situation inédite, doutes sur la légitimité internationale du scrutin
Le silence prolongé des grandes puissances constitue un fait inédit dans l'histoire politique récente du Cameroun. Même lors des précédentes réélections controversées de Paul Biya, les messages de félicitations, parfois embarrassés mais toujours présents, finissaient par arriver des chancelleries occidentales. Cette fois, la retenue diplomatique semble durable et coordonnée.
Cette prudence internationale, couplée à une contestation intérieure qui refuse de s'éteindre, place le régime camerounais dans une position inconfortable. Sans la validation implicite des grands acteurs mondiaux, la légitimité d'un huitième mandat se trouve fragilisée sur la scène internationale, même si le pouvoir conserve le contrôle des institutions nationales.
Le Secrétaire général de l’Onu a également pris note de l’annonce des résultats de l’élection présidentielle tenue au Cameroun le 12 octobre. Il a dit être profondément préoccupé par la violence post-électorale et par les informations faisant état de l’usage excessif de la force. Le patron de l’Onu a déploré les pertes en vies humaines et les blessés parmi les manifestants et les forces de sécurité, et adresse ses condoléances aux familles des victimes.
Tchiroma maintient la pression et promet une escalade
Sur le plan intérieur, l'opposant Issa Tchiroma Bakary refuse de reconnaître les résultats et appelle à poursuivre la contestation. "Seule votre détermination les fera partir, la peur ne nous arrêtera pas. Cette année, nous avons une opportunité unique de dire 'trop c'est trop'", a-t-il lancé à ses partisans dans une déclaration sur Meta.
L'ancien ministre devenu opposant dénonce une « fraude électorale orchestrée » et établit un parallèle avec la crise ivoirienne de 2010. À l'époque, le Conseil constitutionnel ivoirien avait proclamé le président sortant Laurent Gbagbo vainqueur, malgré les contestations internationales qui reconnaissaient la victoire d'Alassane Ouattara. « En 2010, chez nos voisins, le Conseil constitutionnel avait proclamé le président sortant vainqueur et celui-ci avait même prêté serment. Mais le Conseil constitutionnel était alors considéré comme partisan et inféodé au pouvoir. Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation similaire », affirme Tchiroma.
Cette comparaison sous-entend que le Conseil constitutionnel camerounais serait, comme son homologue ivoirien en 2010, un instrument au service du pouvoir en place. Tchiroma va plus loin en menaçant directement le régime : « Vous avez Tchiroma en face de vous ; votre impunité touche à sa fin. Faire couler le sang du peuple fut une grave erreur. » Il reproche au pouvoir d'avoir rejeté sa main tendue pour une « sortie honorable » et annonce qu'une « troisième étape » du combat est imminente.
Ce silence de grandes puissances évoluera-t-il vers une reconnaissance progressive et résignée, ou marquera-t-il le début d'un isolement plus profond du régime de Yaoundé ? La « troisième étape » annoncée par Issa Tchiroma et l'attitude des puissances étrangères détermineront les prochains développements de cette crise post-électorale qui secoue le Cameroun.
-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.
-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-ou cameroun@koaci.com
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