Cameroun : L'opération « villes mortes » diversement suivie selon les régions
L'appel lancé par Issa Tchiroma Bakary à observer trois journées de « villes mortes » du 3 au 5 novembre 2025 a connu une adhésion variable à travers le Cameroun. Si certaines localités ont largement répondu à cet appel de protestation contre la réélection de Paul Biya, d'autres sont restées pratiquement inchangées.
Dans une vidéo diffusée sur Facebook dans la nuit de dimanche à lundi, l'ancien ministre devenu opposant a exhorté ses compatriotes : « Je demande à tous les Camerounais, où qu'ils se trouvent, de rester à la maison pendant trois jours. Ces villes mortes participent de la résistance ». Cette initiative vise à contester le huitième mandat que s'apprête à entamer Paul Biya, 92 ans, au pouvoir depuis 1982.
Déclaré deuxième lors de l'élection présidentielle du 12 octobre 2025, Issa Tchiroma Bakary revendique pourtant la victoire et avait déjà appelé à des manifestations qui ont fait au moins quatre morts à Douala selon le gouverneur régional.
Des incidents graves à Banyo
Les événements les plus préoccupants de cette première journée se sont déroulés à Banyo, dans la région de l'Adamaoua. Le préfet du département s'est rendu sur les marchés pour tenter de dissuader les commerçants de fermer leurs boutiques, allant jusqu'à menacer de faire sceller les établissements restés fermés.
Cette intervention a déclenché une vague de colère. Des représailles ont visé des symboles du pouvoir, notamment la résidence du secrétaire général adjoint de la présidence, Mohamadou Moustapha, qui a été pillée puis incendiée.
À Garoua, ville natale d'Issa Tchiroma Bakary située dans la région du Nord, le mot d'ordre a été massivement respecté. La ville était véritablement paralysée.
À Douala, capitale économique habituellement bouillonnante d'activité, la situation s'est révélée mitigée. Le gouverneur et le maire ont multiplié les rencontres avec les commerçants et acteurs économiques pour les inciter à poursuivre leurs activités normalement. Toutefois, ces derniers ont exprimé leurs craintes face aux risques encourus, rappelant les dommages subis par certains d'entre eux lors des troubles qui ont suivi l'annonce des résultats électoraux. Résultat : la ville a fonctionné au ralenti, avec des rues moins animées, des commerces et des écoles fermés.
Dans la région de l'Ouest, notamment à Bafoussam, les marchés sont demeurés clos, témoignant d'une adhésion au mouvement. Certains commerçants ont confié agir par crainte de représailles.
À Yaoundé et dans le Sud du pays, en revanche, l'appel n'a pratiquement pas été suivi. Administrations publiques, établissements scolaires, commerces, marchés et supermarchés sont restés ouverts et opérationnels tout au long de la journée.
Réaction du gouvernement
Le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, a fermement condamné dimanche ces initiatives lors d'une conférence de presse, dénonçant « les appels à l'insurrection, aux villes mortes ou à la désobéissance civile, qui sont de nature à mettre en péril la vie de la nation, la paix sociale et le développement économique ». Il a également rejeté les accusations de répression violente, assurant qu'« il n'y a pas eu d'usage disproportionné de la force publique ».
Pour les autorités, « l'élection présidentielle relève désormais du passé ». La prestation de serment de Paul Biya, plus vieux chef d'État en exercice dans le monde, est prévue pour le 6 novembre 2025.
-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.
-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-oucameroun@koaci.com
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