Côte d'Ivoire : Songon M'Bratté, des voix fortes s'élèvent pour les personnes en situation de handicap
Des personnes en situation de handicap à Songon M'Bratté (Ph Koaci)
À l’occasion de la Journée mondiale des personnes en situation de handicap, célébrée le 3 décembre 2025, une équipe de KOACI s’est rendue à Songon M’Bratté pour rencontrer des hommes, des femmes et des enfants vivant avec un handicap, souvent dans des conditions particulièrement difficiles. Loin du regard médiatique, ces populations expriment un besoin urgent : être entendues, soutenues et considérées comme des citoyens à part entière.
Parmi les voix les plus engagées figure celle de Jules Beugré Loba, président-fondateur de l’ONG Lobus en Action. Depuis 2007, cette organisation sillonne la Côte d’Ivoire, du Nord à l’Ouest, avec des moyens modestes mais une détermination inébranlable à soutenir les personnes vulnérables. Pour lui, cette journée internationale est « bienvenue », car elle rappelle un combat quotidien mené par des familles souvent livrées à elles-mêmes.
Il raconte avec émotion son propre vécu. Avoir un enfant handicapé, dit-il, est une épreuve qui dépasse la seule responsabilité des parents. « Toi seul, tu ne peux pas », confie-t-il, appelant la communauté, la famille et l’État à unir leurs forces pour accompagner ces personnes. Grâce à l’engagement de son ONG, de nombreux parents montrent aujourd’hui leurs enfants, autrefois cachés par honte ou par peur du regard social.
Au cœur de son plaidoyer, Jules Beugré Loba interpelle directement le gouvernement et le président de la République, Alassane Ouattara, qu’il remercie pour les actions déjà menées, tout en insistant sur l’urgence d’aller plus loin. Il appelle à une politique sociale réelle, structurée et proche des familles. Selon lui, l’accès aux fauteuils roulants, aux béquilles et au matériel adapté doit être facilité. Un exemple frappe les esprits : une simple chaise roulante mécanique coûte 250 000 francs CFA, un montant totalement inaccessible pour des familles rurales ou défavorisées. « Donnez, non pas par pitié, mais parce que donner, c’est aussi se donner à soi-même », insiste-t-il, rappelant que nul n’est à l’abri d’un accident ou d’un AVC qui pourrait bouleverser une vie.
Pour le président de l’ONG Lobus en Action, une mesure essentielle serait la création d’une carte spécifique pour les personnes handicapées, afin de faciliter leurs démarches, leur prise en charge et leur accès à certains services. Il rêve d’une société plus solidaire, où chaque citoyen deviendrait « ambassadeur des personnes handicapées », convaincu que l’amour ne se copie pas : il se vit.
À Songon M’Bratté, d’autres témoignages renforcent l’ampleur de la situation. Aristide Bogui, jeune homme handicapé, exerce depuis des années comme calligraphe, peintre, coiffeur et même pensionnaire. Malgré ses compétences, il peine à trouver un soutien concret pour monter son propre salon. « Je me bats depuis 35 ans », dit-il. « On me promet de m’aider, mais on n’aboutit jamais. » Il lance un vibrant appel au chef de l’État et au gouvernement pour obtenir du matériel et un lieu de travail digne. Aristide déplore aussi le regard dévalorisant que certains jeunes portent sur les personnes handicapées, comme si elles étaient inutiles ou âgées, alors qu’elles souhaitent simplement contribuer à la société.
Josiane Kouakou Anne, mère du jeune Isaac Sié, raconte quant à elle un quotidien douloureux. Son enfant, né avec un handicap, est rejeté par ses camarades et parfois qualifié de « sorcier », une stigmatisation encore trop répandue. Elle sollicite l’aide du président de la République pour obtenir des protections et de meilleures conditions de suivi médical pour son fils, dont la santé nécessite une attention constante.
Ces récits, à la fois poignants et inspirants, révèlent une même réalité : à Songon comme dans de nombreuses régions du pays, les personnes en situation de handicap restent confrontées au manque de soutien, à la précarité matérielle et aux préjugés sociaux. Pourtant, chacune de ces voix porte un message de courage, de dignité et d’espoir. Elles demandent non pas la charité, mais l’équité ; non pas la compassion passagère, mais une politique durable qui change réellement leur quotidien.
La Journée mondiale des personnes handicapées dépasse les discours officiels. Elle devient un cri de ralliement, un appel à la solidarité nationale. Ces personnes en situation de handicap de Songon M’Bratté rappellent au pays entier que la dignité humaine n’a pas de prix et qu’une société ne grandit vraiment que lorsqu’elle prend soin de ses membres les plus vulnérables.
Jean Chresus, Abidjan
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