Cameroun : Entre chaos et contestations après la réélection controversée de Paul Biya
Le Cameroun traverse une période de turbulences sans précédent depuis lundi, suite à la proclamation par le Conseil constitutionnel de la victoire de Paul Biya à l'élection présidentielle du 12 octobre 2025. Selon les résultats officiels, le candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) a remporté le scrutin avec 53,66% des suffrages, devançant largement son principal concurrent, Issa Tchiroma Bakary, crédité de 35,19% des voix. À 92 ans, Paul Biya entame ainsi son huitième mandat à la tête du pays.
Les autres candidats sont loin derrière : Cabral Libii arrive en troisième position avec 3,41% des suffrages, suivi de l'ancien Premier ministre Bello Bouba Maigari (2,45%) et de Joshua Osih, candidat du SDF, classé sixième avec 1,21%.
Violence à Garoua et détermination de l'opposition
La proclamation des résultats a immédiatement déclenché une vague de violence. Quelques minutes après l'audience solennelle du Conseil constitutionnel, le domicile d'Issa Tchiroma à Garoua a été pris d'assaut. « Actuellement à mon domicile à Garoua, ils tirent sur des civils … L'assaut est lancé », a écrit le candidat du FSNC sur ses réseaux sociaux. Le bilan est dramatique : « Bilan de leur attaque : deux morts. Je me demande ce qu'on dira cette fois. Tirer à bout portant sur vos propres frères — je me demande bien si vous n'êtes pas des mercenaires », a-t-il déclaré sur Facebook.
Déterminé, Issa Tchiroma refuse de baisser les bras : « Tuez-moi si vous voulez, mais je libérerai ce pays par tous les moyens. » Il accuse directement le président Biya : « Mettre un pays à feu et à sang pour s'accrocher au pouvoir n'est pas seulement une faute morale. C'est un crime contre le peuple et contre l'humanité. Je le dis solennellement : le peuple ne reculera pas. »
Joshua N. Osih, candidat du SDF, a également rejeté la légitimité du scrutin qu'il qualifie de « mascarade électorale ». Il dénonce un processus « autocratique » et s'indigne du faible taux de participation, estimant que « seulement huit pour cent des Camerounais ont effectivement décidé du sort du pays ». Selon lui, les résultats « portent la forte odeur de la fraude ».
Des manifestations qui embrasent tout le pays
Depuis dimanche 26 octobre 2025, de violentes manifestations ont éclaté dans plusieurs villes du Cameroun. À Douala, la métropole économique reste paralysée 48 heures après la proclamation des résultats. Ce mardi 28 octobre, l'entrée du quartier Bille est le théâtre de manifestations avec des barrages filtrants installés et des camions anti-émeutes positionnés à proximité. Des affrontements ont également éclaté à New Bell. De nombreux magasins ont été pillés dans la ville, apprend-on.
À l'Est du pays, les populations ont entrepris des marches pacifiques avant d'ériger des barrières sur la chaussée et d'allumer des feux à divers endroits.
La crise prend une tournure plus grave à Yaoundé où des coups de feu ont été signalés dans des quartiers stratégiques : Etoudi qui abrite le Palais présidentiel, ainsi qu'Émana et Olembé. Cette situation confirme que l'instabilité post-électorale s'est propagée à l'ensemble du territoire, y compris les zones considérées comme des fiefs du pouvoir.
C'est la psychose dans le pays. De nombreux Camerounais se confinent chez eux tandis que la vie normale est plombée par des barricades. Plusieurs opposants, dont Aba'a Oyono, Djeukam Tchameni et Anicet Ekane, sont détenus au Secrétariat d'État à la Défense (SED, quartier général de la gendarmerie nationale).
Réactions contrastées et inquiétudes internationales
L'intellectuel Achille Mbembe n'a pas mâché ses mots sur TV5 Monde : « Il n'y a pas de victoire. Parler de victoire à propos de cette farce, c'est un oxymore. » Il accuse le régime : « Il y a eu un détournement, viol de la volonté populaire. Le régime au pouvoir à Yaoundé est coutumier malheureusement de ce fait. En réalité, il n'y a jamais eu d'élections libres et démocratiques au Cameroun. Sauf que cette fois-ci, quelque chose de très profond s'est cassé. »
Du côté du pouvoir, on affiche une satisfaction sans faille. Célestine Ketcha Courtes, Dion Ngute, Jean de Dieu Momo et bien d'autres, ont salué une « victoire nette, claire et sans ambages de leur Champion ».
Face à la répression sanglante des manifestations, l'Union européenne, Amnesty International et les Nations unies ont élevé la voix pour dénoncer les violences et appellent au respect des droits fondamentaux des citoyens camerounais.
Le Cameroun fait face à l'une des crises politiques les plus graves de son histoire récente, alors que la légitimité du scrutin est contestée tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.
-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.
-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-oucameroun@koaci.com
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