Cameroun : Libération de 70 détenus dans l'Adamaoua, Biya a-t-il cédé face aux menaces d'Issa Tchiroma?
La libération de 70 mineurs dans la région de l'Adamaoua soulève d'importantes questions sur les motivations réelles du pouvoir. Simple geste humanitaire ou réponse directe aux menaces de l’opposant influent Issa Tchiroma Bakary ?
Lundi 10 novembre, Paul Atanga Nji s'est rendu à Ngaoundéré région de l’Adamaoua pour une mission d'évaluation sécuritaire. Reçu par le gouverneur Kildadi Taguieke Boukar, le ministre de l'Administration territoriale a présidé une réunion consacrée à l'analyse de la situation dans cette partie du Grand Nord.
D'après les informations communiquées par les autorités régionales, le calme serait revenu sur l'ensemble du territoire. Les activités économiques et sociales auraient repris leur cours normal, assurent les sources officielles.
136 arrestations, 70 libérations : un bilan controversé
Les événements qui ont suivi le scrutin présidentiel ont conduit à l'interpellation de 136 personnes dans l'Adamaoua. Parmi les individus relâchés figurent principalement des jeunes, dont environ 70 sont désormais placés sous la responsabilité de leurs familles. Selon le ministre, beaucoup d'entre eux étaient sous l'emprise de stupéfiants au moment des faits.
« Grâce à l'engagement moral des familles, aucun décès n'a été enregistré dans l'Adamaoua. Les jeunes ont été remis en liberté », a affirmé Paul Atanga Nji lors de son passage à Ngaoundéré capitale régionale de l’Adamaoua.
Le responsable gouvernemental a également appelé les populations à soutenir l'action du président Paul Biya, invoquant la nécessité de poursuivre « l'élan de développement et de modernisation » du pays.
Timing troublant après les menaces de Tchiroma
Ce qui intrigue, c'est la chronologie des événements. Un jour avant l’annonce de ces libérations, Issa Tchiroma Bakary, ancien pilier du régime devenu adversaire déclaré, avait lancé un avertissement sans équivoque : libérer tous les détenus sous 48 heures, ou « assumer les conséquences ».
Or, les libérations interviennent précisément dans le Nord, fief traditionnel d'Issa Tchiroma. Coïncidence ou calcul politique ? La proximité temporelle entre l'ultimatum et la décision officielle alimente naturellement les spéculations.
Le discours gouvernemental met en avant « l'intervention des parents venus présenter des excuses et garantir le bon comportement de leurs enfants ». Une justification qui suscite le scepticisme.
Dans l'opinion publique, notamment sur les plateformes numériques et parmi les militants, une autre lecture domine : le régime chercherait à éviter une explosion sociale dans une zone stratégique. Le pouvoir aurait ainsi opté pour un compromis tactique face à la montée des tensions.
Malgré ces libérations, plusieurs personnalités importantes restent détenues. Anicet Ekane, Djeukam Tchameni et le professeur Aba Oyono, tous associés au courant contestataire incarné par Issa Tchiroma, n'ont pas bénéficié de clémence.
Geste insuffisant
Les analystes considèrent ces libérations comme un premier pas, mais largement insuffisant. Les organisations de défense des droits humains avancent des chiffres alarmants : plus de 2 000 arrestations auraient été effectuées à travers le territoire national depuis l’annonce controversée des résultats de l’élection présidentielle donnant Biya vainqueur.
Dans ce contexte, la remise en liberté de 70 jeunes dans l'Adamaoua, bien que saluée localement, apparaît comme un geste symbolique dérisoire au regard de l'ampleur de la répression.
La question centrale demeure : s'agit-il d'un tournant dans la gestion de la crise ou d'une simple manœuvre ponctuelle ? Le gouvernement poursuivra-t-il cette politique d'apaisement ou ces libérations ne visaient-elles qu'à calmer temporairement une contestation montante dans une région historiquement loyale mais aujourd'hui traversée par de fortes turbulences ?
L'avenir dira si ces mesures marquent le début d'un véritable dialogue ou si elles ne constituent qu'une parenthèse tactique dans une stratégie répressive plus globale.
-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.
-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-ou cameroun@koaci.com
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