Côte d'Ivoire : Gbagbo appelle à la reprise des investigations internationales sur les responsabilités dans la rébellion des années 2000 et dans la crise postélectorale de 2010-2011
Dans une longue déclaration rendue publique ce lundi, Laurent Gbagbo, ancien président de la République de Côte d’Ivoire et ancien détenu de la Cour pénale internationale (CPI), a revisité les grandes étapes de la crise ivoirienne et appelé à la reprise des investigations internationales sur les responsabilités dans la rébellion des années 2000 et dans la crise postélectorale de 2010-2011.
Dans un ton grave, l’ancien chef de l’État a rappelé que, selon lui, la vérité et la justice restent les conditions indispensables à une paix durable.
Laurent Gbagbo ouvre sa déclaration en revenant sur les premiers jours de son mandat, commencé en octobre 2000 après une élection présidentielle qu’il affirme avoir remportée selon les résultats proclamés par la Cour suprême.
Quelques jours après sa prise de fonctions, explique-t-il, le gouvernement découvre un charnier à Yopougon. Une enquête est immédiatement ouverte et vise notamment des gendarmes, finalement relaxés par la justice.
Deux mois plus tard, les 4 et 5 janvier 2001, un premier commando venu du Nord attaque le pays. Une offensive rapidement repoussée, écrit-il, avant qu’une attaque plus vaste n’ait lieu dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002.
Selon Gbagbo, cette seconde opération marque un tournant, les rebelles entrent depuis le Burkina Faso, le pays est déchiré par des combats et une partie du territoire, notamment Bouaké, échappe au contrôle du gouvernement.
C’est le début d’une partition de facto du pays, avec un Sud sous autorité du gouvernement et un Nord contrôlé par la rébellion ivoirienne.
Le président déchu rappelle la succession de médiations internationales : Accra, Marcoussis, Kléber, Pretoria… sans succès concret, selon lui.
Face à l’enlisement, Laurent Gbagbo dit avoir pris l’initiative, avec le soutien du président sud-africain Thabo Mbeki, de deux décisions majeures, autoriser Alassane Ouattara à se présenter aux prochaines élections présidentielles et engager un dialogue direct avec le chef rebelle Guillaume Soro.
Ces démarches mèneront à la signature de l’Accord de Ouagadougou le 4 mars 2007 et à la cérémonie symbolique de la Flamme de la paix à Bouaké en juillet de la même année.
L’ancien président rappelle avoir exigé le désarmement avant toute élection, une demande ignorée selon lui par l’ONU, par plusieurs pays occidentaux et par certains partis politiques ivoiriens.
Les élections de 2010 ont finalement lieu :1er tour : Gbagbo en tête avec 38 %, suivi d’Alassane Ouattara (32 %) et d’Henri Konan Bédié (25 %) et 2e tour : deux vainqueurs proclamés, chacun revendiquant la victoire.
Le Conseil constitutionnel proclame Laurent Gbagbo élu, mais l’ONU, certains gouvernements occidentaux, et notamment le président français Nicolas Sarkozy, reconnaissent Alassane Ouattara.
Cette confrontation débouche sur des affrontements armés. Gbagbo rappelle que sa résidence fut bombardée par l’armée française et les forces de l’ONU, aboutissant à son arrestation le 11 avril 2011.
Après plusieurs mois de détention en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo est transféré à la Cour pénale internationale à La Haye, où son dossier est ultérieurement joint à celui de Charles Blé Goudé.
Le 15 janvier 2019, les deux hommes sont acquittés, puis l’acquittement devient définitif le 31 mars 2021.
Gbagbo décrit une vie sous surveillance à Bruxelles, interdit de quitter la commune et contrôlé chaque semaine par la police et la CPI.
Dans sa déclaration, Laurent Gbagbo affirme que la justice internationale a failli en ne poursuivant aucun autre acteur majeur de la crise.
Il pose publiquement plusieurs questions :« Qui a conçu et financé la rébellion ? » « Qui a organisé le génocide Wê ? » « Pourquoi l’ONU et l’Occident ont-ils imposé une élection sans désarmement ? »
Selon lui, son acquittement aurait dû déclencher automatiquement la recherche des véritables responsables des massacres et exactions.
Il annonce avoir demandé à son avocat, Maître Emmanuel Altit, de ressaisir la CPI afin de rouvrir le dossier de la guerre en Côte d’Ivoire.
Dans une conclusion solennelle, Laurent Gbagbo dit avoir « fait sa part » et appelle les autres acteurs à faire la leur.
Pour lui, pas de réconciliation nationale sans vérité.
Il réaffirme son engagement en faveur des victimes de la crise ivoirienne, qui « attendent depuis des années que la vérité soit établie ».
Wassimagnon
Infos à la une
Communiqués
Côte d'Ivoire
Côte d'Ivoire
Côte d'Ivoire
