Samedi à Treichville (ph KOACI)

Il y a ceux branchés en permanence sur leurs smartphones ou leurs télés et les autres, ceux qui ne voient pas d’utilité de se connecter à internet ou d’être scotché à l’info en continu, et ils sont si nombreux, des millions qu’on aurait tendance à les oublier.

Pour s’en rendre compte, il vous suffit de vous balader dans cette immense cité d’Abidjan hors des sentiers bourgeois du Plateau ou de Cocody.

Petit détour par Treichville, au plein centre de la capitale économique à la cadence que le fléau du coronavirus n’a pas réussi à stopper.

Ça grouille sur la rue 12, ça commerce dans tous les sens dans les petites rues alentours de l’Arras, ici on vit au rythme d’une vie habituelle non contrainte d’un fléau psychologique restrictif.

« Le Corona oui et puis quoi ? », « nous Corona on s’en Gaba (on s'en fout, ndlr) » ou encore, « s’il faut mourir on mourra, on meurt tous un jour non ou bien? », nos questions sur le coronavirus essuieront des réponses aussi moqueuses que fatalistes.

« Oui on nous en a parlé, c’est vrai que les gens s’en foutent, vous le voyez vous-même (allusion à notre reportage dans le quartier et notre peine à trouver des personnes intéressées par le sujet, ndlr), moi j’ai un peu suivi mais vite fait et de loin, mais franchement on s’en fiche un peu, vous savez y’a tellement de choses plus nuisibles pour nous dans ce pays que ce coronavirus, des trucs qui nous tuent tous les jours pour de vrai, que franchement savoir que y’a deux trois pour cent d’une petite partie d’une population infectée qui en meurent, ça fait pas peur.», témoigne assez lucide, Hamed, vendeur de pièces détachées de voiture devant sa boutique ouverte dans laquelle les clients s’attardent sur des pots d’échappements.

Un qui avouera s'être connecté dans un cyber expliquera : « Ça touche qui ? Ceux qui voyagent à l’extérieur, ici qui voyage ? qui a les moyens d'avoir un visa pour aller en France ou en Italie?, C'est pour ça que les cas sont à Cocody ou Marcory, là-bas ils ont plus de moyens que nous.», faisant allusion à la localisation principale des personnes contaminées à Abidjan.

Nous ne constaterons aucune psychose, aucun passage au lavage de main, respect de distance, encore moins de port de masque.

Si la fermeture des bars et restaurants y est respectée, nous rencontrerons des personnes concentrées à chercher comment gagner leur vie pour s’occuper de leur famille, pas prêtes à épiloguer sur les sujets d’actualités qui ne les intéressent tout simplement pas.

Ce constat nous le ferons ce samedi à Abobo et à Yopougon où nous nous arrêterons pour échanger avec des habitants pas ou peu connectés, et dans leur grand ensemble, ne se sentant pas concernés par le sujet du Covid-19.

Dans un pays où la connexion internet et les équipements ne sont pas à la portée d’une grande majorité, où l'attention médiatique est faible, la Côte d’Ivoire non connectée aura réussi à au moins se faire entendre.

Amy Touré