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Côte d'Ivoire : Grogne au port de pêche d'Abidjan ? Des acteurs de la filière halieutique appellent à des états généraux du secteur
 

Côte d'Ivoire : Grogne au port de pêche d'Abidjan ? Des acteurs de la filière halieutique appellent à des états généraux du secteur

 
 
 
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© Koaci.com - lundi 09 septembre 2024 - 14:28

Port de pêche d'Abidjan


Le secteur halieutique ivoirien, longtemps perçu comme une source vitale de nutrition et d’emploi pour des milliers de familles, est aujourd’hui en proie à une grogne. 


Les professionnels de la filière halieutique du port de pêche d’Abidjan, d’ordinaire discrets, ont décidé de briser le silence pour tirer la sonnette d’alarme. 


« La situation au port de pêche est devenue critique », a déclaré l'un des représentants de ces organisations, qui a préféré garder l'anonymat. 


"Nous, les acteurs de la filière halieutique, lançons un appel urgent aux autorités de la République pour convoquer des États généraux de la filière halieutique. Nous ne cherchons pas la confrontation, mais une solution durable", a-t-il ajouté.


Ces derniers espèrent ainsi attirer l'attention des autorités, en particulier la Primature, l'Inspection générale d'État, et la Haute autorité pour la bonne gouvernance, sur la nécessité d'une concertation nationale.


Cet appel intervient dans un contexte de mécontentement généralisé.


 Depuis plusieurs mois, les directives présidentielles fixant le prix du kilogramme de « faux thon » à 400 FCFA sont restées lettre morte. Le résultat est une inflation galopante des prix, rendant le « faux thon » plus cher que le poisson exporté vers l’Europe ou destiné à la transformation dans les usines locales. Une situation qui, selon les professionnels de la pêche, a des conséquences désastreuses non seulement pour les acteurs de la chaîne de valeur halieutique, mais également pour les consommateurs.


 

À la base de cette crise se trouve une directive présidentielle visant à plafonner le prix du kilogramme de « faux thon » à 400 FCFA pour une période de six mois. Cependant, l'absence de suivi par un décret renouvelé a créé un vide juridique, permettant aux acteurs de la filière d’ignorer ce plafonnement tout en augmentant les prix. Aujourd'hui, le prix du kilogramme de « faux thon » a grimpé à plus de 1.000 FCFA à bord des navires. Une situation jugée « intenable » pour les mareyeurs et les consommateurs ivoiriens.


"Il y a quelques mois, une usine a envoyé une lettre au ministère de tutelle pour dénoncer une hausse injustifiée des prix qui empêche l'approvisionnement régulier en poisson", a expliqué un autre acteur du secteur, soulignant que certains armateurs mélangent volontairement le « faux thon » avec du poisson de meilleure qualité pour maximiser leurs profits. Cette pratique a été décriée dans plusieurs courriers adressés au Ministère des Ressources animales et halieutiques (Mirah) pour attirer l'attention des autorités sur la nécessité de prendre des mesures urgentes.


En septembre 2022, un atelier de travail organisé à Grand-Bassam avait déjà rassemblé les acteurs du secteur autour de la question de la réglementation des prix et de l’approvisionnement. 


Les participants avaient formulé plusieurs recommandations pour stabiliser la situation. Toutefois, les résolutions de cet atelier sont restées sans suite. Pire, la création d’une interprofession, une structure visant à regrouper toutes les organisations professionnelles du secteur et censée apporter une réponse concertée aux difficultés de la filière, a été entachée de nombreuses irrégularités.


Selon des témoignages recueillis, la première Assemblée générale élective organisée par les organisations privées du secteur a été invalidée par le Mirah. Une seconde Assemblée générale élective, organisée par le ministère lui-même, a ensuite eu lieu, mais dans des conditions contestées par plusieurs organisations clés qui ont été écartées du processus. "Ceux qui s’opposaient au plafonnement des prix se retrouvent aujourd’hui à la tête de cette interprofession, ce qui n’a fait qu’aggraver les tensions au sein du secteur", ont dénoncé certains intervenants.


Au-delà des querelles internes et des batailles politiques, ce sont les populations les plus vulnérables qui paient le prix fort de cette crise. "Le décret présidentiel visait initialement à protéger les plus pauvres, mais aujourd'hui, le 'garba', un aliment de base pour de nombreux Ivoiriens à faible revenu, est devenu un luxe inabordable", a regretté un professionnel de la pêche


L’envolée des prix du poisson a eu un impact direct sur le coût de la vie, affectant particulièrement les classes les moins favorisées qui dépendent de cette source de protéines abordable. Le garba, plat emblématique à base de semoule de manioc et de « faux thon », n’est plus accessible à de nombreux ménages, exacerbant les inégalités sociales et économiques dans le pays.


 

Conscients des conséquences désastreuses d'une confrontation directe avec les autorités, les acteurs de la filière halieutique insistent sur la nécessité d'une solution concertée. "Nous croyons en la force de la proposition et de la persuasion. C’est pourquoi nous demandons l’organisation d’États généraux de la filière halieutique", ont-ils déclaré. Cet événement permettrait de diagnostiquer les problèmes du secteur, d’envisager des solutions adaptées et de s’inspirer des réussites d’autres filières.


Les professionnels du secteur estiment qu'il est urgent d'adopter une approche inclusive et participative pour sortir de la crise. "Nous devons garantir que chaque Ivoirien puisse continuer à accéder à des produits halieutiques de qualité, à des prix justes", ont-ils affirmé. Ils soulignent que seul un dialogue franc et ouvert entre toutes les parties prenantes pourra rétablir la stabilité de la filière halieutique et assurer l'avenir de milliers de familles qui en dépendent.


En attendant une réponse des autorités, la situation reste tendue au sein de la filière halieutique ivoirienne. De nombreux acteurs craignent que l’inaction prolongée ne conduise à une crise encore plus profonde, avec des conséquences imprévisibles pour l'économie et la sécurité alimentaire du pays. "Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ce secteur vital. Il est temps de mettre de côté les différends et de travailler ensemble pour l'avenir de la pêche en Côte d'Ivoire", concluent-ils avec espoir.


La balle est désormais dans le camp des décideurs politiques. Les professionnels de la filière halieutique espèrent qu'ils entendront leur appel et qu'ils agiront rapidement pour éviter une crise encore plus grave. Une chose est sûre : la filière halieutique ivoirienne est à un tournant décisif, et son avenir dépendra des choix qui seront faits dans les semaines et les mois à venir.



Jean Chresus, Abidjan 


 
 
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