Côte d'Ivoire : Promesses trahies, justice ignorée, les déguerpis de Koumassi Houphouët-Boigny 1&2 se rebellent
Les déguerpis
Quatre ans après les opérations de déguerpissement dans le quartier Houphouët Boigny 1&2 à Koumassi, les anciens propriétaires, laissés pour compte malgré les promesses officielles, ont décidé de retourner sur leurs terrains. Une décision marquée par la colère, le désespoir et un profond sentiment d’injustice.
En novembre 2021, plus de 1 000 familles vivant dans ce quartier, connu localement sous le nom de "Koumassi 32", ont vu leurs maisons rasées par des bulldozers, sous haute surveillance sécuritaire. L’opération, officiellement justifiée par la supposée vulnérabilité du site, a été perçue par les habitants comme une action arbitraire, ciblée et politiquement motivée.
Le ministre Cissé Ibrahima Bacongo, alors maire de Koumassi et aujourd’hui gouverneur du District autonome d’Abidjan, avait promis un recasement digne et un accompagnement financier pour les sinistrés. Un site avait même été désigné à « 8 kilos », entre Grand-Bassam et Bonoua. Un accord aurait été signé devant notaire, selon les représentants des déguerpis. Mais depuis, plus aucun signe d’avancement. Aucune suite, aucun soutien, aucun recasement effectif.
Le quartier Houphouët Boigny 1&2, situé face à la nouvelle Cité Addoha de Koumassi, représente un emplacement stratégique très convoité. Avant les démolitions, la mairie avait tenté de convaincre les propriétaires d’accorder leurs terrains à une entreprise immobilière, dans le cadre d’un bail collectif à long terme. Face au refus de la majorité, les menaces de déguerpissement s’étaient intensifiées.
Fait troublant : seules les maisons basses ont été détruites, tandis que la quasi-totalité des immeubles a été épargnée. De nombreuses voix dénoncent un traitement de faveur. Certaines sources évoquent une cotisation de 40 millions de francs CFA, accompagnée de solides connexions, qui aurait permis à certains propriétaires d’immeubles de sauver leurs biens.
Les familles délogées affirment détenir des titres fonciers reconnus par la justice, notamment une décision de la Cour Suprême (actuel Conseil d’État) interdisant toute évacuation. Ces décisions auraient été ignorées lors des démolitions, exécutées dans une atmosphère tendue, digne d’un climat insurrectionnel.
Pire encore, selon le collectif des déguerpis, certains terrains auraient ensuite été redistribués à de nouveaux acquéreurs, parfois sur la base de documents appartenant aux expropriés. Des garages et activités commerciales se sont depuis installés sur le site, avec l’aval tacite d’agents municipaux.
Le 21 juin 2025, en pleine célébration du congrès du RHDP, les déguerpis se sont rendus sur le site prévu pour leur recasement. Une visite chargée de symboles, mais aussi d’amertume. Constatant l’abandon du projet, ils ont annoncé leur décision de retourner occuper leurs lots à Koumassi Houphouët Boigny 1&2, invoquant leurs droits légaux.
Dans des déclarations filmées, les membres du collectif ont interpellé publiquement le gouverneur Cissé Bacongo, appelant au respect des engagements pris depuis 2021. Ils en appellent également à l’opinion nationale, dénonçant une "spoliation organisée".
Ces familles, aujourd’hui en errance ou logées de manière précaire, réclament non seulement la restitution de leurs terres, mais aussi la reconnaissance des préjudices subis. Pour elles, cette situation met en lumière les limites de la « Côte d’Ivoire solidaire » prônée par les autorités, et le fossé croissant entre les promesses politiques et la réalité vécue par les plus vulnérables.
L’affaire de Koumassi Houphouët Boigny 1&2 illustre une problématique plus large : celle de la gestion opaque des espaces urbains, du non-respect des décisions de justice, et du traitement discriminatoire des populations défavorisées dans le Grand Abidjan.
Wassimagnon
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