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Côte d'Ivoire : Laurent Gbagbo plus sur la liste électorale depuis 2020, un juriste démonte point par point les thèses de Maitre Habiba Touré
 

Côte d'Ivoire : Laurent Gbagbo plus sur la liste électorale depuis 2020, un juriste démonte point par point les thèses de Maitre Habiba Touré

 
 
 
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© Koaci.com - jeudi 25 mai 2023 - 17:05

I- LES THESES DEVELOPPEES PAR Me HABIBA TOURE


A- La CEI aurait dû inscrire le Président Laurent GBAGBO sur la Liste Electorale Provisoire (LEP)


Cette thèse est fondée sur la signification qu’elle confère à « l’inscription de droit ».


1- La signification qu’elle confère à l’inscription de droit

Obligation pour la Commission électorale indépendante de faire provisoirement droit à toutes les demandes d’inscription, sans pouvoir les discuter et les passer au crible des conditions pour être électeur.


2. Les conséquences qu’elle attache à cette signification de l’inscription de droit

« Tout ivoirien qui se présente devant la Commission électorale, pour s’inscrire sur la liste électorale, doit pouvoir s’y inscrire, car il ne revient pas à la Commission électorale indépendante de refuser l’inscription d’un ivoirien puisque l’inscription est de droit » (Cf. Le temps n°5695 du lundi 22 mai 2023). En conséquence, son nom devrait figurer sur la LEP, en laissant ensuite le soin à tous ceux qui contestent la liste électorale provisoire de venir au contentieux pour faire valoir leur prétention. En effet, selon Maitre Habiba TOURE, « l’affichage de la liste électorale provisoire permet justement de relever toutes les irrégularités qui peuvent être constatées par les électeurs. Si le nom d’une personne y figure, et que l’on estime qu’elle ne remplit pas les conditions pour y figurer, c’est à ce moment qu’entre en action l’article 12 du Code électoral qui permet aux électeurs et à la Commission électorale de contester la présence d’une personne sur la liste électorale » (Cf. Le temps n°5695 du lundi 22 mai 2023).


B- La décision de condamnation du Président Laurent GBAGBO ne comporte pas une privation de ces droits civils et politiques. On ne saurait donc en inférer la perte de ces droits, comme l’affirme la CEI.


C- L’exclusion du Président Laurent GBAGBO est une décision personnelle et unilatérale du Président de la CEI


II- QUELQUES REPONSES AUX THESES DEFENDUES PAR Me HABIBA TOURE


A- Sur l’obligation d’inscription du Président Laurent GBAGBO sur la LEP


1- Me Habiba TOURE se méprend sur le sens de l’article 5 du Code électoral qui dispose que « l’inscription sur la liste électorale est de droit ».

Il faut la lire tout simplement comme conférant le droit à tout ivoirien remplissant les conditions pour être électeur d’être sur la liste électorale, sans que la CEI puisse apprécier l’opportunité de cette présence sur la liste électorale.

Autrement dit, dès que l’intéressé remplit les conditions pour être inscrit, la CEI doit faire droit à sa demande en inscription. Elle a, en la matière, une compétence liée et non discrétionnaire.

Il convient donc de s’éloigner de l’interprétation de Me Habiba TOURE, qui, au demeurant, méconnait la procédure de révision de la liste électorale telle que prévue par le Code électoral et le décret n°2022-854 du 09 novembre 2022 fixant la période et les modalités de révision de la liste électorale.


2. Me Habiba TOURE se méprend sur la procédure de révision de la liste électorale

Après avoir indiqué que « l’inscription sur la liste électorale est de droit », le Code électoral en son article 11, renvoie à un décret pour la fixation des modalités de révision de la liste électorale. En effet, l’article 11 al 1 du Code électoral dispose que :

« La période d'établissement de la liste électorale ainsi que les modalités pratiques de son exécution sont fixées par décret pris en Conseil des ministres, sur proposition de la Commission chargée des élections ».

C’est en application de cette disposition qu’a été pris le décret n°2022-854 du 09 novembre 2022 fixant la période et les modalités de révision de la liste électorale.

Ce décret, en ses articles 9 et suivants, confère à la CEI la compétence pour établir la procédure de révision de la liste électorale et détermine les modalités de cette révision, notamment la collecte des informations, le traitement, la publication de la liste électorale provisoire et la phase du contentieux y afférant.

Ainsi, aux termes de l’article 9 dudit décret, « La Commission électorale indépendante établit la procédure de révision de la liste électorale comprenant notamment la collecte des informations dans les centres d’enrôlement ou en ligne, le traitement des informations collectées et la publication de la liste électorale provisoire ».


 

L’article 10 qui régit la collecte des informations dispose que « La collecte des informations dans les centres d’enrôlement concerne l’inscription des personnes qui sollicitent une première inscription sur la liste électorale et celles qui ont retrouvé la qualité d’électeur. Elle est également ouverte aux électeurs qui demandent l’actualisation de leurs données personnelles... ».


Pour sa part, l’article 11 du même décret donne pouvoir à la CEI d’assurer le traitement des données collectées avant la publication de la liste électorale provisoire. Ce pouvoir qui implique le droit de radier de la liste électorale tous ceux qui ne remplissent plus les conditions pour y figurer ou qui n’ont pas le droit d’y être, à la suite de l’examen de leur demande d’inscription, est sans équivoque à la lecture de l’article 11 ci-dessous reproduit :

« A l’issue des opérations d’actualisation des données personnelles, d’inscription sur la liste électorale et de radiation de ladite liste, la Commission électorale indépendante établit la liste provisoire des électeurs et la publie, par voie d’affichage, trois mois au plus tard avant les élections, dans tous les lieux de vote, afin de permettre sa consultation par les électeurs ».

Les décisions prises par la CEI à l’occasion de cette phase de traitement peuvent, ainsi que le prévoient les articles 12 et suivants du décret n°2022-854 du 09 novembre 2022 fixant la période et les modalités de révision de la liste électorale, faire l’objet d’un recours devant la Commission elle-même (ce qu’on appelle le recours gracieux) et, si l’on est en désaccord avec la décision qui sera prise par la CEI, plus tard, d’un recours devant le Président du Tribunal territorialement compétent (recours judiciaire).


Article 12 du décret n°2022-854 du 09 novembre 2022

« Tout électeur inscrit sur la liste électorale peut réclamer l’inscription d’une personne omise.

Tout électeur a le droit de réclamer la radiation d’une personne décédée, de celle qui a perdu sa qualité d’électeur, de celle dont la radiation a été ordonnée par décision de l’autorité compétente ou d’une personne indûment inscrite.

Ces mêmes droits peuvent être exercés par chacun des membres de la Commission électorale indépendante.

Les demandes émanant des tiers ne peuvent avoir pour objet que des inscriptions ou des radiations éventuelles et doivent préciser les prénoms et nom de chacun de ceux dont l’inscription ou la radiation est réclamée.

Les réclamations sont adressées à la Commission électorale indépendante dans les dix jours suivant l’affichage de la liste provisoire.

La réclamation devant la Commission électorale indépendante est préalable à tout recours devant les juridictions compétentes ».


Article 14 du décret n°2022-854 du 09 novembre 2022

« La Commission électorale indépendante publie la liste des réclamations reçues. Cette liste comporte l’identité des réclamants, celle des personnes mises en cause et le motif des réclamations.

Toute personne inscrite sur la liste électorale provisoire et les intéressés eux-mêmes, peuvent présenter des observations à la Commission électorale indépendante, dans un délai de trois jours, à compter de la date de publication de la liste des réclamations reçues.

Dès publication de la liste des réclamations, la Commission électorale indépendante informe par tous moyens, toute personne visée par une demande en radiation. La personne concernée peut prendre connaissance et copie des motifs détaillés de la réclamation au siège de la Commission électorale locale.

La Commission électorale indépendante statue sur toutes les réclamations, dans un délai de dix jours, à compter de la date de clôture du dépôt des observations ».


 Article 15 du décret n°2022-854 du 09 novembre 2022

« Les décisions de la Commission électorale indépendante portant sur les réclamations peuvent faire l’objet d’un recours devant le Président du tribunal territorialement compétent, sans frais, par simple déclaration au greffe du tribunal, dans un délai de trois jours, à compter du prononcé des décisions. Ce recours n’est pas suspensif.

La décision du Président du tribunal est rendue dans le délai de cinq jours à compter de sa saisine. Elle n’est susceptible d’aucun recours ».


B- Sur la privation des droits civils et politiques du Président Laurent GBAGBO qui ne serait pas mentionnée par la décision de condamnation du Tribunal

La privation des droits peut être prononcée directement par la décision de condamnation ou impliquée par celle-ci.

En ce qui concerne le Président Laurent Gbagbo sa privation des droits civils et politiques n’est pas prononcée par le jugement le condamnant mais elle est impliquée par l’article 4 du Code électoral dont les prescriptions se suffisent à elles-mêmes.

En effet, cet article indique clairement que :

« Ne sont pas électeurs les individus frappés d'incapacité ou d'indignité notamment :

- les individus condamnés pour crime ;

- les individus condamnés à une peine d'emprisonnement sans sursis pour vol, escroquerie, abus de confiance, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, corruption et trafic d'influence, attentats aux mœurs ;

- les faillis non réhabilités ;

- les individus en état de contumace ;

- les interdits ;

- les individus auxquels les tribunaux ont interdit le droit de vote et, plus généralement, ceux pour lesquels les lois ont édicté cette interdiction ».

En l’espèce Monsieur Laurent Gbagbo a été condamné notamment pour complicité de vol en réunion à mains armées et par effraction et pour faits de détournement de deniers publics.

Au surplus, il convient d’indiquer que cette application autonome de l’article 4 du Code électoral est confirmée par l’article 68 in fine du Code pénal (relatif à la privation de certains droits) qui dispose que :

« Aucune disposition de la présente section ne peut être interprétée comme modifiant les déchéances, privations ou interdictions de droits résultant de dispositions spéciales ».


C- En ce qui concerne l’exclusion du Président Laurent GBAGBO qui résulterait d’une décision personnelle et unilatérale du Président de la CEI


Cette accusation tend à méconnaitre la composition, les attributions et le fonctionnement de la commission centrale de la CEI, précisément les modalités de prise de décision de la CEI.


1. Comment est composée la Commission centrale de la CEI

Aux termes de la loi de 2001 régissant la CEI, la Commission centrale de la CEI dite encore Assemblée des Membres comprend aujourd’hui dix-huit Commissaires centraux nommés par décret en Conseil des Ministres, pour un mandat de six ans. Ces membres sont nommés conformément aux prescriptions rappelées dans le tableau qui suit.

Composition de la Commission centrale

- une personnalité proposée par le Président de la République ;

- une personnalité proposée par le Ministre en charge de l’Administration du territoire ;

- six personnalités issues de la société civile proposées par le barreau, le Conseil national des Droits de l’Homme et les organisations de la société civile ;

- un magistrat proposé par le Conseil supérieur de la Magistrature ;

- quatre personnalités proposées par le parti ou groupement politique au pouvoir (en l’espèce le RHDP) ;

- cinq personnalités proposées par les partis ou groupements politiques de l’opposition (en l’espèce la Ligue des Mouvements pour le Progrès (LMP) ; l’Alliance des Forces Démocratiques de Côte d’Ivoire (AFD-CI) ; le PDCI-RDA ; le groupement politique GP-Paix, AID, UMPP ; le Parti des Peuples Africains (PPA-CI).


 

2. Quelles sont les attributions de la Commission centrale ?

Elles sont prévues par l’article 17 du Règlement intérieur qui dispose que « L’assemblée des membres connait de toutes les questions relatives au processus électoral tel que rappelé à l’article 2 de la loi n°2001-634 du 9 Octobre 2001 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante (CEI)… ».

L’article 2 auquel renvoie ce règlement comporte, au titre des attributions de la CEI exercées par la Commission centrale ou assemblée des membres, « le recensement électoral ; les modalités de confection, d’établissement, de mise à jour, de révision et de refonte des listes électorales ; la gestion des fichiers électoraux ; l’établissement des listes électorales ; la mise à jour annuelle de la liste électorale… ».

Le Président de la CEI ne saurait donc exercer seule une attribution qui ne lui appartient pas, mais qui rentre plutôt dans les compétences du collège des commissaires dont il faut maintenant déterminer les règles de prise de décision.


3. Quelles sont les règles qui encadrent la prise des décisions de la Commission centrale

Il y a d’abord des règles relatives au quorum et des règles concernant la prise de décision proprement dite.

Les règles de quorum sont prévues par l’article 34 de la loi relative à la CEI : « Les organes de la CEI ne peuvent valablement siéger que si les 2/3 au moins de leurs membres sont présents.


Dans le cas où ce quorum n’a pu être atteint, la réunion est reportée à une date ultérieure.

A cette occasion, la réunion peut se tenir valablement en présence de la moitié au moins des membres ».


Une fois que ces conditions de réunion sont remplies, la Commission centrale peut valablement statuer et décider.


Les règles de prise de décision : A cet égard, l’article 36 de la loi sur la CEI indique que « Les délibérations de la Commission centrale de la CEI sont prises à la majorité simple des membres présents.


En cas d’égalité, la voix du Président est prépondérante ».


En l’espèce, la liste électorale a d’abord été examinée par le Bureau de la Commission électorale indépendante et soumise, ensuite, à la délibération de la Commission centrale qui l’a adoptée.


Dans ces conditions, il est inexact de dire que la non-présence du Président Laurent Gbagbo sur la liste électorale provisoire, est le fait du Président de la CEI.



 
 
  Par Koaci
 
 
 
 
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couly
C'est très clair. Mais on avait deja compris en lisant un de vos articles la dernière fois qui expliquait qu'à cause de sa condamnation il ne peut pas être sur la liste. Et aussi, pourquoi c'est maintenant qu'ils parlent de ça vu qu'ils n'ont rien dit quand ç'a a été acté en 2020. Bref, c'est de l'histoire ancienne.
 
 il y a 11 mois     
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Mesmin Konin
Mdr point 1, celui qui peut etre convaincu par ce que vous avancez au point 1 doit surement etre du Rdr meme pas du Rhdp. Votre lecture du droit est partialle et pertielle. Maintenant cet article venu de la CEI puisque l article est signe d un Juriste sans nom, il releve donc que la Justice dans sa condemnation n a pas fait mention de perte de droit civil bon comme avec vous le 3e devient premier du 3e, le juge hors grade Kuibiert a cru bon de donner une suite electoral a une Parodie de justice. Vraiment Rdr-Rhdp yako je comprends pourquoi sur le plan juridoque vous ne gagnez presque rien hors des limites de la CIV
 
 il y a 11 mois     
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Ubiquismus
-Comment faire comprendre à Dramane et ses suiveurs, qu’appliquer le droit, c'est respecter le fond et la forme. Il y a tellement d'arbitraire et d'incongruités dans le fonctionnement dans ce pays sur le plan judiciaire,..., on peut affirmer que le ridicule ne tue pas. -Prenons un seul cas soulevé par H. Oulaye et qui peut être compréhensible par un non juriste : "Le président Gbagbo ne peut être jugé par n'importe quelle cour de justice, compte tenu de son statut d'ancien président". En matière de justice, il existe ce qu'on appelle la COMPÉTENCE D'ATTRIBUTION. On ne peut pas par exemple faire juger un crime par un tribunal de commerce ou un conseil de prud'homme. -Conclusion, ceux qui ont jugé le président Gbagbo n'ont pas la compétence pour le faire. Inutile donc de débattre de la procédure et de la décision rendue par cette cour qui n'avait pas compétence pour le faire...
 
 il y a 11 mois     
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Ubiquismus
Au lieu de dépenser de l'énergie pour "démonter" point par point les thèses de maître Habiba, ..., demandez à votre fameux juriste, de nous dire quelle juridiction est compétente pour juger le président Gbagbo dans le cas d'espèce ???? Sinon, c'est une perte de temps de débattre d'une condamnation qui est par nature NULLE et nul effet...
 
 il y a 10 mois     
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Ubiquismus
On dit souvent qu'un crime n'est jamais parfait. Convaincus que le président Gbagbo n'allait pas revenir de la CPI, ils ont été surpris par le juge Italien qui a décidé de mettre fin au "feuilleton" de mauvais goût, qu'est le procès Gbagbo/Blé Goudé. Un procès improvisé ne pouvait donc respecter toutes les conditions de fond et de forme. A les observer, on voit que les apprentis sorciers n'ont visiblement pas envie de boire la coupe jusqu'à la lie...
 
 il y a 10 mois     
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