Abidjan a abrité vendredi 23 mai 2025, une double célébration marquant la journée internationale de lutte contre la fistule obstétricale. Il s'agit des 20 ans de combat contre cette pathologie invalidante et le 50e anniversaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). 

Le thème de cette édition, « Sa santé, son droit : façonner un avenir sans fistule », rappelle que la lutte contre la fistule obstétricale n’est pas seulement une question de santé publique, mais aussi un impératif de justice sociale et de droits humains.

À cette occasion, une rencontre régionale a réuni des responsables institutionnels, des experts médicaux et des défenseurs des droits des femmes, avec pour objectif affiché : opérer 1 000 femmes souffrant de fistule obstétricale d’ici la fin de l’année 2025.

La fistule obstétricale, conséquence directe d’un accouchement prolongé sans assistance médicale adéquate, reste une réalité douloureuse dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest. Elle entraîne des conséquences sanitaires, psychologiques et sociales dramatiques pour les femmes qui en souffrent, souvent rejetées par leurs propres familles et exclues de la vie communautaire.

Le professeur Fatou Sow Sarr, commissaire au développement humain et aux affaires sociales de la Commission de la CEDEAO, a dressé un bilan à la fois lucide et encourageant. « La fistule est l’un des symptômes des inégalités persistantes en matière de santé reproductive. Elle prive les femmes de leurs droits fondamentaux, les expose à de multiples formes d’abus et compromet leur avenir », a-t-elle relevé 

Aussi, a-t-elle rappelé les efforts de la CEDEAO dans la mise en œuvre d’un programme régional structuré autour de trois piliers, à savoir la prévention, la prise en charge médicale, et la réinsertion socio-économique. « Réparer, restaurer, réinsérer. Ce sont les 3R qui fondent notre approche. Plus de 2 000 femmes ont déjà été opérées et réintégrées à la vie sociale et économique », a-t-elle indiqué.

Au-delà de ces efforts, la CEDEAO envisage la mise en place de trois unités de production de serviettes hygiéniques réutilisables et de protections pour les femmes affectées, avec le soutien de l’Organisation de l’Afrique de l’Ouest pour la Santé (OAS). « C’est une réponse innovante à un besoin réel, qui témoigne de la solidarité interinstitutionnelle au sein de notre communauté », a salué le professeur Sarr.

Parmi les personnalités présentes figuraient également SEM Fanta Cissé, ambassadrice résidente de la CEDEAO en Côte d’Ivoire, Di Sanni Saliyon de l’UNFPA, Milli Baba, représentant du ministère ivoirien de la Femme.

Prenant la parole lors de ce webinaire, la ministre Sierra-léonaise, Dr Aïssata Awa a lancé un appel pressant à l’action collective. « Il nous reste à peine quatre ans et demi pour atteindre les Objectifs de Développement Durable de 2030. Sommes-nous prêts ? Avons-nous les politiques nécessaires pour faire avancer les choses ? », s'est-elle interrogée avant d'insister sur la nécessité de dépasser les frontières étatiques pour construire des réponses concertées à une problématique commune. « Les femmes traversent les pays pour vivre, commercer, s’épanouir. Pourtant, celles atteintes de fistule sont invisibles, stigmatisées et marginalisées. Nous devons briser ce silence et leur redonner leur place dans nos sociétés », a-t-elle soutenu.

Dans cette dynamique, un dîner gala est prévu ce dimanche 25 mai à Abidjan pour mobiliser des fonds en faveur du programme de traitement. L’ambition est claire. Faire de la CEDEAO un modèle régional en matière de prise en charge de la fistule obstétricale.

Cette mobilisation résonne comme un symbole fort à l’heure où l’organisation célèbre son cinquantenaire. En s’attaquant à une pathologie profondément enracinée dans les inégalités structurelles, la CEDEAO envoie là un message d’espoir et de détermination, celui de construire une intégration régionale solidaire, résolument humaine.

Wassimagnon