Cameroun : Crise anglophone, le procès des leaders séparatistes renvoyé à 2026
des leaders séparatistes anglophones (Ph)
La Cour suprême du Cameroun a examiné ce 18 décembre 2025 le pourvoi en cassation de Sisiku Ayuk Tabe et de neuf codétenus, avant de renvoyer leur dossier au 15 janvier 2026. Ces leaders séparatistes anglophones, condamnés à la perpétuité, attendent depuis près de huit ans une issue judiciaire dans un contexte de crise sécuritaire qui s’enlise.
Sisiku Ayuk Tabe, ancien ingénieur informatique devenu leader séparatiste, et neuf autres membres de l'auto-proclamé « gouvernement par intérim de l'Ambazonie » croupissent dans les geôles surpeuplées de la prison centrale de Kondengui depuis janvier 2018. Arrêtés au Nigeria lors d'une rencontre secrète alors qu'ils bénéficiaient du statut de réfugiés, ils ont été extradés vers Yaoundé sans procédure formelle d'extradition.
Condamnés à la prison à perpétuité en août 2019 par un tribunal militaire pour sécessionnisme, terrorisme et hostilité contre la patrie, leur peine a été confirmée en appel en septembre 2020. Un dixième condamné est décédé en détention. Huit ans après leur arrestation, ces hommes — enseignants, avocats, militants — restent au cœur d'un bras de fer judiciaire qui semble sans fin.
Arguments juridiques
Les avocats de la défense, dont Maître Emmanuel Simh, fondent leur pourvoi en cassation sur plusieurs violations notamment l'incompétence du tribunal militaire, l’arrestation irrégulière et le déni de justice.
Le renvoi du dossier au 15 janvier 2026 soulève de vives contestations. « C'est une farce judiciaire qui prolonge l'agonie de notre peuple », dénonce un porte-parole du collectif d'avocats, appelant à une mobilisation internationale. Pour la défense, ce report révèle une stratégie dilatoire du gouvernement camerounais, sous pression diplomatique mais refusant tout dialogue avec les séparatistes.
Maître Simh, qui a pu rencontrer Sisiku Ayuk Tabe en prison lundi dernier et le décrit en bonne santé, espère qu'à l'audience toutes les parties pourront s'exprimer après la lecture des conclusions du rapporteur. « Cette affaire tombe un peu dans l'oubli. J'espère qu'on se rappellera qu'il y a des personnes en prison et qu'il y a encore une crise à résoudre au Cameroun », souligne l'avocat, plaidant pour une solution politique.
Enlisement
Au-delà du sort judiciaire de ces dix hommes, c'est toute la crise anglophone qui s'enlise depuis 2016. Née d'une marginalisation linguistique et culturelle des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, elle a déjà fait des milliers de morts et déplacé plus d'un million de personnes. Villages rasés, écoles fermées, économie en lambeaux : le bilan humanitaire est catastrophique.
Le président Paul Biya, au pouvoir depuis plus de 40 ans, campe sur ses positions et refuse tout dialogue avec les séparatistes. Paradoxalement, l'incarcération de Julius Ayuk Tabe, figure charismatique de l'"Ambazonie", n'a fait que radicaliser le mouvement indépendantiste, alimentant un cycle de violences qui semble sans issue.
-Armand Ougock, correspondant permanent de Koaci au Cameroun.
-Joindre la rédaction camerounaise de Koaci au 237 691154277-oucameroun@koaci.com
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